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La Suisse suspend les renvois de migrants vulnérables vers l’Italie

Le transfert des familles en Italie doit être suspendu, tant que les autorités italiennes n’ont pas fourni des garanties sur les conditions de leur prise en charge (image d'illustration). KEYSTONE/ALEXANDRA WEY sda-ats

(Keystone-ATS) La Suisse ne peut plus renvoyer des familles et des migrants vulnérables vers l’Italie. Le Tribunal administratif fédéral (TAF) exige que les autorités italiennes fournissent des garanties individuelles les concernant avant que l’on puisse procéder à leur transfert.

Un décret adopté à la fin 2018 a considérablement modifié le système d’accueil des migrants en Italie. Les requérants d’asile – y compris les personnes transférées en vertu de l’accord de Dublin – sont désormais pris en charge dans de grands centres collectifs gouvernementaux ou des structures temporaires d’urgence.

Ils étaient auparavant accueillis dans des centres décentralisés de petite taille. Ceux-ci offraient des mesures d’intégration et une prise en charge adaptée aux requérants d’asile particulièrement vulnérables, notamment les familles et les personnes gravement atteintes dans leur santé.

Dans un arrêt de référence publié vendredi, le TAF relève que le système italien comporte désormais des obstacles susceptibles d’entraver l’accès des requérants à la procédure d’asile et aux prestations d’accueil. En outre, les standards varient considérablement d’une région à l’autre et les conditions se sont détériorées dans les centres d’hébergement, en particulier pour les familles ou les personnes vulnérables.

Pour autant, on ne peut pas conclure à des violations systématiques dans la procédure d’asile et le système d’accueil en Italie, même sous le régime de la nouvelle législation, estime la cour. Il n’y a donc pas lieu de renoncer de manière générale au transfert des requérants d’asile vers l’Italie.

Les juges admettent néanmoins des restrictions pour les familles ainsi que pour les personnes atteintes de graves problèmes de santé. Pour ces catégories vulnérables, les transferts vers l’Italie ne peuvent dorénavant être exécutés que lorsque les autorités italiennes ont préalablement fourni des garanties individuelles portant sur une prise en charge et un hébergement adapté.

Clarifications avec l’Italie

Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) estime qu’un quart environ des cas de requérants renvoyés en Italie en vertu de l’accord de Dublin sont concernés par les nouvelles directives. L’an dernier, 610 personnes ont été renvoyées dans la Péninsule en tant que “cas Dublin”, selon le SEM.

Ce dernier ne dispose pas dans l’immédiat des garanties supplémentaires demandées à l’Italie, a expliqué à Keystone-ATS le porte-parole du SEM Lukas Rieder. Il s’agira de clarifier ces prochaines semaines si l’Italie est en mesure de les fournir.

D’ici là, les cas mis en exergue par le TAF restent en suspens. Les renvois déjà valables juridiquement continuent d’être exécutés, poursuit M.Rieder. Le SEM n’a pas connaissance d’un autre Tribunal en Europe exigeant de telles garanties individuelles détaillées.

Clause de souveraineté

La décision du TAF ne change rien à la pratique du SEM consistant à traiter lui-même la demande d’asile de personnes pour lesquelles un autre Etat de l’accord de Dublin est responsable, au lieu de les renvoyer dans le pays partenaire. Chez les personnes particulièrement vulnérables aussi, la clause de souveraineté doit être examinée individuellement.

Cette clause de souveraineté du règlement de Dublin permet à un Etat de renoncer au transfert d’un requérant d’asile vers le pays responsable et de traiter lui-même une demande, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion.

L’organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) avait déjà mis en garde à la fin 2018, peu après l’entrée en vigueur du “décret Salvini”, contre le renvoi de requérants vulnérables en Italie. Les demandes d’asile de ces personnes-là doivent être examinées en Suisse, exigeait l’OSAR.

Arrêt définitif

Elles sont exposées en Italie à de grands risques et leurs droits ne sont pas garantis, estimait l’organisation. De plus, aucun autre pays que la Suisse n’applique le règlement de Dublin aussi strictement, déplorait l’OSAR.

Le SEM dit renoncer en grande partie aux renvois de requérants en Grèce et en Hongrie en vertu de l’accord de Dublin. Il s’appuie pour cela sur la jurisprudence nationale et européenne, explique M.Rieder.

Cet arrêt est définitif et n’est pas susceptible de recours au Tribunal fédéral. (Arrêt E-962/2019 du 17 décembre 1019)

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