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Peu de Suisses (alémaniques) connaissent la Genève internationale

View of Lake Lucerne
Les institutions internationales genevoises et leur diplomatie multilatérale peuvent sembler très éloignées depuis Lucerne les pieds dans l'eau du lac des Quatre-Cantons. swissinfo.ch

Le think tank Foraus vient de terminer à Lucerne son «Tour de Suisse» dédié au rôle de la Genève internationale et son importance pour la politique étrangère de la Suisse. Selon son directeur, les Suisses alémaniques continuent d’ignorer ce que font ces organisations multilatérales.

Par un après-midi ensoleillé à Lucerne ce mois de mai, les Nations Unies et d’autres organisations internationales basées à Genève semblent bien loin, alors que des foules de touristes chinois et locaux traversent le pont de la Chapelle ou prennent le ferry pour traverser le lac.

Le soir, Genève a quand même tenu l’affiche, l’Université de Lucerne accueillant la dernière étape d’une tournée intitulée «Genève internationale – le monde en SuisseLien externe». 

Organisée par ForausLien externe, un think tank sur la politique étrangère de la Suisse créé en 2009, ce tour de Suisse a fait étape dans neuf villes – principalement dans les régions germanophones – afin de faire connaître le rôle et l’action de la Genève internationale en Suisse.  

De grands écarts 

Le directeur de Foraus, Lukas Hupfer, relève que l’auditoire des conférences a manifesté un grand intérêt et une large méconnaissance: «J’ai été surpris – voire inquiet – de constater à quel point peu de gens connaissaient la Genève internationale et l’ONU. Les gens s’inquiètent des événements dans le monde mais peinent à comprendre ce qu’est la diplomatie multilatérale.»

«Nous pensons pourtant que la Genève internationale est vraiment importante pour la gouvernance internationale, car elle rassemble différents acteurs, y compris des scientifiques, des représentants des gouvernements, des diplomates et des ONG, souligne M. Hupfer. Cette plateforme doit être renforcée car le multilatéralisme est confronté à des défis majeurs. »

Ancienne conseillère aux Etats et ex n° 2 du CICR, Christine Beerli se montre plus mesurée, elle qui préside aujourd’hui la fondation Initiatives et changement de Caux: «Je pense que les Suisses alémaniques sont très conscients de l’énorme avantage du multilatéralisme et de l’humanitaire. C’est la ville de Genève elle-même qui semble assez éloignée, comme ville internationale. Autrement dit, les gens sont concernés par les activités de la Croix-Rouge. Mais la scène diplomatique ne correspond pas vraiment à leur façon de penser.»

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Gouvernance mondiale 

Genève abrite le siège européen des Nations Unies, 37 organisations internationales telles que l’Organisation mondiale du commerce (OMC), 380 ONG et 170 missions diplomatiques. Au total, il y a plus de 30’000 fonctionnaires et diplomates internationaux. Et en 2017, un nombre record de 3364 conférences et réunions internationales ont attiré plus de 220’000 participants. 

Au-delà des statistiques, l’ONU insiste sur le fait qu’elle est un centre de gouvernance mondiale où les décisions prises ont un impact direct sur la vie des gens. 

«Lorsque vous vous brossez les dents, la quantité de produits chimiques contenus dans votre dentifrice est déterminée par les normes adoptées à Genève», a récemment déclaré le Directeur général de l’ONU, Michael Møller, à la Tribune de GenèveLien externe.  

Le gouvernement suisse affirme que la Genève internationale offre de nombreux avantages à l’ensemble du pays. Le nouveau document stratégiqueLien externe de l’Etat hôte pour la période 2020-2023, qui doit être approuvé par le Parlement, décrit comment la Genève internationale aide la Suisse à atteindre ses objectifs de politique étrangère, promeut les valeurs suisses, sans compter les retombées économiques: «Les dépenses estimées des organisations internationales et des employés de la Genève internationale, ainsi que des délégués externes qui s’y rendent, se chiffrent à plus de 6 milliards de francs (+3,6 % entre 2017 et 2018), dont plus de la moitié est dépensée en Suisse», souligne le document stratégique du Conseil fédéral.

Pourquoi ce manque d’intérêt?

Selon M. Hupfer, les parlementaires bernois semblent comprendre les arguments en faveur d’un investissement de 112 millions de francs dans la Genève internationale et estiment qu’ils sont en mesure de valider la nouvelle stratégie.  

Quant au public, il connaît la Croix-Rouge et les agences onusiennes comme l’OMS, selon le directeur de Foraus. Mais il ne réalise pas toute l’étendue du travail accompli concernant les objectifs de développement durable des Nations Unies, la gouvernance de l’Internet (Geneva Internet PlatformLien externe), les droits des travailleurs (OIT) ou les migrations dans le monde. Et ils ne voient pas vraiment les avantages économiques, ajoute-t-il. 

Alors, qui faut-il blâmer? Les observateurs soulignent que les médias suisses alémaniques couvrent peu la Genève internationale et que l’enseignement scolaire dans ces domaines varie énormément d’un canton à l’autre et d’un enseignant à l’autre.  

Certains participants à la conférence de Lucerne ont aussi pointé le gouvernement suisse, l’accusant d’envoyer des messages incohérents en faisant marche arrière sur le Pacte mondial de l’ONU sur la migration ou en repoussant aux calendes grecques la ratification du traité de l’ONU interdisant les armes nucléaires. 

«Cette tournée a confirmé notre analyse que des améliorations sont possibles et qu’il est important de sensibiliser la jeune génération à la raison d’être de ce système», estime M. Hupfer.

Le directeur de Foraus ajoute: «Il est nécessaire d’avoir plus de communication. Ce n’est pas seulement le rôle du gouvernement. C’est aussi aux organisations à Genève et aux écoles des régions suisses-alémaniques d’intégrer le multilatéralisme, la Genève internationale et l’ONU dans leurs programmes d’études et dans leur formation civique.»

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Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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