
Le Fribourg romand craint l’influence alémanique

Dans le canton de Fribourg, une nouvelle loi vise à mieux ancrer le bilinguisme dans les communes. Mais des voix critiques s’élèvent du côté des Romands.
En mai, le conseiller d’État fribourgeois Didier Castella qualifiait la loi sur les langues de « historique ». Après des années de débats politiques, les communes pourraient, à l’instar du canton, introduire l’allemand et le français comme langues officielles.
Selon le projet de loi, une condition préalable est que des minorités germanophones ou francophones représentant au moins dix pour cent de la population vivant dans les communes.
La loi sur les langues est actuellement en consultation et suscite parfois de vives réactions. Celles-ci ne correspondent pas du tout à l’image d’un bilinguisme fribourgeois paisible.
Les reproches des Romands
La Communauté romande du Pays de Fribourg, qui défend les intérêts de la population francophone du canton, n’est pas non plus favorable à cette loi.
Son président Antoine Geinoz craint que la frontière linguistique ne soit déplacée d’est en ouest. Il estime que les Suisses alémaniques pourraient tirer parti de cette loi pour s’étendre dans la partie francophone de Fribourg. «Les Suisses alémaniques sont déjà aujourd’hui plus puissants que les francophones», affirme-t-il.
Douze communes potentiellement concernées
Avant sa retraite, Antoine Geinoz était secrétaire général du Département de la santé du canton de Fribourg. Il a également présidé l’Assemblée constituante, qui a élaboré il y a vingt ans la Constitution actuelle du canton, y ancrant le bilinguisme fribourgeois.

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Aujourd’hui, Antoine Geinoz affirme que, selon la Constitution, c’est au canton — et non aux communes — de décider du bilinguisme communal. «Le fait que des communes puissent se déclarer bilingues avec seulement 10% de minorité linguistique est troublant.» Selon des experts, cette minorité devrait représenter entre 30 et 35%, souligne-t-il.
Douze communes du canton comptent des minorités linguistiques d’au moins 10%. Parmi elles figure la ville de Fribourg, où 14% de la population est germanophone — une proportion en baisse.
Francophones désavantagés?
Le syndic (maire) de Fribourg, Thierry Steiert, n’est pas surpris par les débats autour de la loi sur les langues. «Certaines personnes perçoivent le bilinguisme davantage comme une menace que comme une opportunité», affirme-t-il.
Thierry Steiert lui-même est parfaitement bilingue. Il se définit comme biculturel, c’est-à-dire qu’il est attaché à la fois à l’espace culturel germanophone et francophone. Il recommande de s’approprier le meilleur de l’autre culture pour enrichir la sienne. «Mais malheureusement, tout le monde ne voit pas les choses ainsi», regrette-t-il. Il suppose que cela touche à des questions identitaires.
«Les personnes bilingues sont avantagées sur le marché du travail — et ce sont très souvent les germanophones», affirme encore Thierry Steiert. Il semble que certains francophones n’apprécient pas que les germanophones soient avantagés, car ces derniers peuvent plus souvent mettre en avant leur bilinguisme.
La ville de Fribourg déjà prête
On ignore encore totalement à quoi ressemblera la version finale de la loi sur les langues. Il n’est pas non plus certain que la population de la ville de Fribourg soutienne une telle loi. Thierry Steiert estime que son administration pourrait peut-être encore s’améliorer en matière de renseignements oraux fournis par les autorités. «Mais sinon, il n’y aura pas beaucoup de changements. Nous fonctionnons déjà pratiquement comme une ville bilingue.»
La ville de Fribourg serait probablement prête pour une loi sur les langues. Mais dans l’ensemble du canton, il devrait encore y avoir plusieurs débats animés dans les semaines à venir.
Texte traduit de l’allemand à l’aide de l’IA/op

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