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Le stockage de l’énergie verte est d’abord un défi économique

Installés sur le toit du collège du Crêt-du-Chêne à Neuchâtel, ces panneaux solaires produisent quelque 100’000 kWh d'énergie électrique par an, ce qui correspond à la consommation en électricité de 30 ménages. KEYSTONE/THOMAS DELLEY sda-ats

(Keystone-ATS) La Suisse va au-devant de black-outs électriques si elle n’arrive pas à stocker l’énergie issue du vent ou du soleil, dénoncent les opposants à la stratégie énergétique 2050. Les chercheurs explorent plusieurs pistes, mais selon eux, le défi est surtout économique.

L’énergie solaire ou éolienne pourrait à l’avenir être transformée en air comprimé et conservée au fond de la roche d’un tunnel ou abri militaire désaffecté.

Le principe est simple: le courant excédentaire alimente des turbines qui compriment l’air extérieur. Lorsqu’on en a besoin à nouveau, l’air comprimé est retransformé en courant grâce à une turbine ou un générateur. Les installations de stockage d’air comprimé existent depuis longtemps, mais elles n’étaient pas très efficaces car il fallait réchauffer l’air au charbon ou au pétrole avant de récupérer du courant.

Techniquement faisable

Des essais achevés fin 2016 dans un ancien tunnel alpin ont montré qu’un accumulateur de chaleur dans la caverne permettait d’améliorer nettement le bilan. Les chercheurs ont utilisé une cuve de béton remplie de pierres. Selon le professeur Andreas Haselbacher de l’Ecole polytechnique de Zurich, la faisabilité technique de la méthode est acquise.

Reste à savoir si elle est économiquement exploitable. Pour compenser les variations saisonnières, donc assurer l’approvisionnement en hiver, il faudrait des cavernes très grandes et coûteuses. Il vaut peut-être mieux utiliser le stockage à air comprimé pour compenser les variations horaires de courant.

La rentabilité dépend aussi du site choisi. Selon M. Haselbacher, la région du Grimsel serait intéressante car elle est rattachée au réseau électrique et que l’on connaît les qualité de la roche. L’exploitant du réseau Swissgrid et plusieurs sociétés électriques sont associés à la suite des travaux.

Ils pourraient ensuite exploiter les installations de stockage de courant comprimé en complément des centrales à pompage-turbinage. Cette solution leur éviterait aussi de devoir inonder des zones pour de nouveaux réservoirs d’eau, relève le professeur.

Batteries peu chères

D’autres technologies de stockage se développent très vite. La part des batteries dans ces systèmes a plus que doublé ces cinq dernières années, précise Frank Krysiak, professeur à l’Université de Bâle et port-parole du Forum Stockage d’énergie Suisse.

Dans les quartiers ou les maisons, les accumulateurs ne sont pas encore rentables. Les prix chutent si vite que les foyers préfèrent attendre pour investir. Mais cela devrait changer dans les dix prochaines années.

Outre les batteries lithium-ion, il existe des batteries de sodium-chlorure de nickel ou power-to-gas et power-to-liquid. Elles permettent de transformer l’eau, le CO2 et l’énergie électrique en méthanol. Cela permettrait d’exploiter des centrales à gaz sans alourdir le bilan de CO2, releve Gianno Operto, président de l’organisation faîtière de l’économie des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique AEE Suisse.

Décentraliser

Selon lui, la faible efficacité de certains processus importe peu, seule compte la valeur au moment de l’utilisation. Une installation peut aussi être retenue juste comme solution de dépannage. Mais il faut développer de nouveaux modèles d’affaires.

Les stockages décentralisés permettent de réduire les pertes de transformation et de réseau. Les grandes installations de pompage-turbinage ont certes l’avantage de pouvoir compenser des variations durant des jours, en cas d’absence de soleil et de vent, relève M.Krysiak.

Economiquement, il semble toutefois plus prometteur de continuer à miser sur les importations d’énergie pour assurer un approvisionnement stable tout l’hiver. En été, l’énergie solaire en trop pourrait être transformée en chaleur, gaz ou carburant pour réduire les importations de combustibles et carburants.

Investir intelligemment

Les investissements dans le stockage seront déterminants. Faute de variations de prix et à cause de la chute des rendements, il ne vaudra sans doute guère la peine de miser sur le pompage-turbinage ces prochaines années.

Les foyers doivent être incités à utiliser des solutions servant le système global. Un bond de l’utilisation de véhicules électriques risque de surcharger encore plus le réseau le soir au moment de la recharge des batteries. Les investissements dans le stockage doivent être coordonnés avec l’utilisation.

Les capacités de stockage nécessaires dépendront aussi des tarifs de l’électricité ou de la mise hors tension de certains appareils. Un pilotage de la consommation serait l’option la plus avantageuse, via la programmation d’une lessive à cinq heures du matin par exemple. Si la politique crée le cadre adéquat, le défi peut tout à fait être relevé, estime M.Krysiak.

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