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Les fronts se sont durcis entre l’UE et la Suisse

Le négociateur en chef suisse Roberto Balzaretti s'est rendu à Bruxelles en juin pour demander plus de temps, ce qui a irrité les négociateurs de l'UE qui attendant des propositions concrète (archives). KEYSTONE/ANTHONY ANEX sda-ats

(Keystone-ATS) L’équivalence boursière accordée par l’Union européenne (UE) à la Suisse arrive à échéance dimanche et les mesures de rétorsion de la Confédération entrent en vigueur lundi. Un nouveau degré d’escalade sera ainsi franchi dans la relation entre les deux partenaires.

Mais la situation pourrait se tendre encore davantage. Car sans équivalence boursière, la Suisse gèlera pour le moment le milliard de cohésion à destination des pays de l’est de l’UE. Cette mesure sera à son tour peu appréciée par ses partenaires européens, qui ne l’accepteront pas sans broncher.

Cette escalade entre les deux parties est aussi due à des malentendus et de fausses attentes. Des dissonances s’étaient déjà fait entendre le 23 novembre 2017, quand le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker avait affirmé lors d’une visite à Berne que les négociations sur un accord-cadre devaient s’achever au printemps 2018.

“Le contenu d’abord”

La Suisse n’avait pas immédiatement réagi à cette déclaration. Elle n’avait démenti qu’un jour plus tard. Le porte-parole du Conseil fédéral André Simonazzi avait alors déclaré que le délai évoqué avait été imposé par M. Juncker. Le Conseil fédéral, quant à lui, tout en souhaitant aussi un tel accord, plaçait “le contenu avant le tempo”.

L’origine de ces différences de perception est peu claire. Il est en revanche manifeste que les propos de M. Simonazzi ont irrité Bruxelles. La commission européenne a réagi: en décembre, elle a limité à un an la reconnaissance de l’équivalence boursière et l’a subordonnée à “des progrès suffisants” sur l’accord-cadre. Ce lien entre deux dossiers indépendants a contrarié à son tour la Suisse.

Les deux parties se sont mises à la table des négociations pour trouver un projet d’accord d’ici à la fin 2018. Trois points n’ont toutefois pas trouvé une solution convaincante pour tout le monde: les aides d’Etat, la protection des salaires et la directive sur la citoyenneté européenne qui élargit l’accès aux prestations sociales.

Phase de consultation

Le Conseil fédéral a décidé de mettre le résultat des négociations en consultation. L’UE a prolongé une nouvelle fois l’équivalence boursière, mais seulement pour six mois, jusqu’à fin juin 2019. Bruxelles a ainsi mis Berne sous pression en lui laissant un temps limité.

Pour le Conseil fédéral, cette consultation visait à déterminer la position des différents acteurs. “Il s’agit de voir de quelle marge de manoeuvre nous disposons”, avait affirmé le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis.

En premier lieu, le Conseil fédéral voulait convaincre les syndicats. Une déclaration de M. Cassis, qui voulait discuter de l’assouplissement des lignes rouges de ces derniers, avait fait craindre aux syndicalistes que la protection des salaires ne soit compromise. En conséquence, les syndicats sont montés aux barricades.

L’UE veut aller vite

Au terme de la phase de consultation, le président de la Confédération Ueli Maurer a écrit à M. Juncker début juin pour demander des éclaircissements sur les trois points en suspens. Le président de la Commission européenne s’est dit prêt à discuter avec la Suisse de “précisions” sur l’accord-cadre institutionnel et que ces clarifications ne devraient prendre que “quelques jours”.

La Commission européenne a fixé un délai d’une semaine. Elle souhaitait évaluer l’état général des relations entre l’UE et la Suisse lors de sa réunion du 18 juin et décider d’une extension de l’équivalence boursière. Mais le négociateur en chef suisse Roberto Balzaretti est venu à Bruxelles cette semaine-là avec pour seul message que la Suisse a besoin de plus de temps.

Ueli Maurer l’avait laissé entendre dans sa lettre: Berne veut impliquer les partenaires sociaux dans la recherche d’une solution avec l’UE. Un processus qui prend du temps.

Berne joue la montre

La Commission européenne s’attendait cependant à des propositions concrètes de la part de la Suisse. M. Balzaretti est venu à Bruxelles “sans mandat”, se sont irrités les négociateurs de l’UE qui soupçonnent la Suisse de jouer la montre. Berne a probablement besoin d’un “coup de pouce”, a évalué le commissaire européen Johannes Hahn.

Dans ces conditions, l’autorité bruxelloise ne pouvait et ne voulait pas étendre l’équivalence boursière. Car si la Commission européenne disposait au départ d’un moyen de pression sur la Suisse en reliant les deux dossiers, c’est précisément pour cette raison qu’elle se devait d’agir.

Ne pas laisser l’équivalence expirer aurait nui à la crédibilité de la Commission. Celle-ci souhaite, depuis 2008, conclure cet accord-cadre et semble être arrivée à la conclusion qu’il faut renforcer la pression sur la Suisse.

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