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Les sénateurs changent de contre-projet à l’initiative populaire

Certaines multinationales sont accusées d'exploiter leurs travailleurs. L'initiative pour des multinationales responsables veut les obliger à répondre des dommages causés (archives). KEYSTONE/AP/BEN CURTIS sda-ats

(Keystone-ATS) Les multinationales ne devraient pas être soumises à de nouvelles obligations de responsabilité civile. Opposé à l’initiative pour des multinationales responsables, le Conseil des Etats a soutenu mercredi un nouveau contre-projet indirect inspiré du Conseil fédéral.

Les errements du Parlement et du Conseil fédéral risquent d’aboutir à l’adoption de l’initiative, a averti le père de l’initiative sur les rémunérations abusives Thomas Minder (Ind./SH). Le texte sur les multinationales responsables veut obliger les sociétés sises en Suisse à examiner régulièrement les conséquences de leur activité sur les droits humains et l’environnement, également à l’étranger.

Les entreprises manquant à ce devoir de diligence devraient répondre des dommages causés, y compris par les sociétés qu’elles contrôlent sans participer directement aux activités incriminées. Les sénateurs devaient trancher entre deux contre-projets pour lui barrer la route. Par 25 voix contre 13, ils ont opté pour la version a minima.

Retrait compromis

La piste gouvernementale de rapports très allégés pour les seules sociétés d’intérêt public ne permettra pas le retrait de l’initiative, a averti en vain la gauche.

Il faut éviter de se laisser dépasser comme pour le secret bancaire, a justifié Christian Levrat (PS/FR). La réputation suisse souffre déjà massivement à l’étranger et une campagne de votation aggraverait la situation. Non seulement la population demande plus d’équité, mais les entreprises elles-mêmes veulent renforcer la sécurité du droit et un nombre croissant soutiennent une obligation de diligence.

Pas question de renoncer à la discussion par peur, a rétorqué Ruedi Noser (PLR/ZH). 99% des entreprises sont exemplaires et le combat peut être gagné auprès de la population, a-t-il estimé.

La nécessité d’agir n’est guère contestée, mais le Conseil fédéral rejette un contre-projet qui mettrait largement en oeuvre les exigences de l’initiative, a déclaré la ministre Karin Keller-Sutter. Le problème est global et il faut des solutions développées en concertation internationale pour ne pas nuire à la place économique suisse, a argumenté la libérale-radicale.

Rapports restreints

La majorité s’est rangée derrière l’approche voulue par le gouvernement. La responsabilité pour les entreprises contrôlées effectivement à l’étranger ne sera pas explicitement réglementée. Les obligations se réduiront à un devoir de diligence dans les domaines “minerais de conflit” et “travail des enfants”. Seules les “sociétés d’intérêt public” devront rendre un rapport.

La gauche s’est retrouvée bien isolée à soutenir la ligne du National. Le contre-projet imaginé par la Chambre du peuple va moins loin que l’initiative en matière de responsabilité civile. Celle des gestionnaires et dirigeants d’une société serait exclue. La responsabilité ne porterait que sur les dommages à la vie et à l’intégrité personnelle ou sur la violation du droit de propriété.

Le texte ne devrait en outre s’appliquer qu’aux entreprises de plus de 500 employés et un chiffre d’affaires d’au moins 80 millions. La majorité bourgeoise a estimé que les exigences allaient encore beaucoup trop loin.

Exigences très affaiblies

Même si les sénateurs n’avaient pas finalement opté pour l’approche gouvernementale de rapports, le contre-projet du National serait ressorti très affaibli des discussions de mercredi. La majorité bourgeoise a soutenu toutes les propositions PLR dans ce sens.

Les sénateurs voulaient notamment ajouter une règle de subsidiarité qui n’aurait permis d’intenter une action contre la maison-mère en Suisse que si c’était plus efficace que dans le pays concerné. En pratique, ce sera très compliqué à appliquer et videra de leur substance les obligations en matière de responsabilité, a averti Daniel Jositsch (PS/ZH).

La majorité souhaitait aussi n’appliquer le contre-projet de la Chambre du peuple qu’aux entreprises avec un effectif d’au moins 5000 emplois. Sur le modèle de la loi de diligence française.

Sénateurs sceptiques

Les sénateurs ont toujours été sceptiques sur le contre-projet du National. La Chambre du peuple a dû insister après leur non-entrée en matière sur le sujet. Le Conseil des Etats a ensuite temporisé en septembre, préférant renvoyer le dossier à sa commission pour qu’elle le réexamine à la lumière des propositions annoncées par le Conseil fédéral.

Au vote sur l’ensemble, les sénateurs ont adopté le nouveau contre-projet par 39 voix contre 3. La balle retourne dans le camp du National.

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