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Liberia: un criminel de guerre présumé comparaît à Bellinzone

Le procès d'un ancien commandant libérien débute aujourd'hui devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone (archives). KEYSTONE/TI-PRESS/PABLO GIANINAZZI sda-ats

(Keystone-ATS) Le procès d’un criminel de guerre présumé s’ouvre ce jeudi matin à Bellinzone devant le Tribunal pénal fédéral. Cet ancien commandant est accusé de violation des lois de la guerre durant le premier conflit civil au Liberia.

Le Ministère public de la Confédération a ouvert à fin août 2014 une instruction pour crimes de guerre contre le commandant Alieu Kosiah à la suite de la plainte de sept victimes. L’homme a été arrêté le 10 novembre suivant à Berne où il vivait depuis plusieurs années.

Sa détention provisoire a été régulièrement prolongée. Elle a été transformée en détention pour motifs de sûreté dès le dépôt de l’acte d’accusation en mars 2019.

Viol et cannibalisme

Âgé aujourd’hui de 45 ans, Alieu Kosiah répond de diverses violations des lois de la guerre alors qu’il faisait partie de la faction armée ULIMO (United Liberation Movement of Liberia for Democracy), entre mars 1993 et fin 1995.

Selon l’acte d’accusation, le Libérien aurait ordonné de tuer, tué lui-même ou participé aux meurtres de civils et de soldats hors de combat. Il est également accusé d’avoir profané le corps d’un civil défunt en mangeant son coeur et violé une civile.

Le MPC l’accuse aussi d’avoir ordonné le traitement inhumain de civils et d’avoir recruté et utilisé un mineur comme enfant-soldat. Alieu Kosiah aurait aussi commandé ou participé à des transports forcés de biens et de munitions par des civils.

Commandant du groupe Zebra

L’accusation précise que le Libérien faisait partie du “staff” de l’ULIMO, regroupant les “big men” (cadres) de la milice. L’homme commandait le groupe “Zebra” actif dans le comté de Lofa, au nord-ouest du pays, limitrophe avec la Guinée et la Sierra Leone.

Il ressort des éléments réunis par le MPC que les civils étaient maltraités par les miliciens et qu’ils étaient contraints de leur obéir. Ainsi, l’enfant-soldat utilisé par Alieu Kosiah l’aurait suivi par crainte de voir sa soeur violée, son frère tué ou de devoir porter des charges.

Le MPC mentionne aussi le “tabé”, une forme de torture couramment pratiquée durant le conflit et qui aurait été infligée à plusieurs reprises par le groupe Zebra. Elle consistait à attacher les poignets de la victime puis à lier ses coudes dans le dos. Outre des douleurs extrêmes, ce traitement parfois mortel pouvait entrainer des séquelles durant une longue période, voire une paralysie irréversible.

Procès en deux volets

Initialement, le procès d’Alieu Kosiah aurait dû se dérouler en avril dernier. Il était prévu de faire venir en Suisse 14 ressortissants libériens au titre de plaignants ou de témoins. En raison du coronavirus, les débats ont été reportés une première fois au mois d’août.

Dans l’intervalle, la Cour des affaires pénales s’est efforcée d’organiser ces auditions à distance, par vidéoconférence. De nombreuses démarches ont été entreprises pour obtenir l’autorisation du Liberia et la collaboration d’un pays disposant d’une représentation diplomatique dans ce pays.

En raison de nouvelles difficultés, le Tribunal pénal fédéral a décidé de scinder le procès, en commençant par l’audition de l’accusé en décembre. Il est prévu d’entendre les plaignants et les témoins dans une phase ultérieure. Selon la situation, ces personnes seront interrogées par vidéoconférence ou invitées en Suisse.

Les quatorze années de guerre civile au Liberia (1989-1996 et 1999-2003) ont fait 300’000 tués et des centaines de milliers de déplacés, ravagé le pays et détruit la quasi-totalité des infrastructures. Les combattants ont été accusés des plus cruelles tueries et atrocités, mutilations, viols et actes de cannibalisme.

Pour sa part, l’ULIMO a combattu le NPFL (National Patriotic Front of Liberia) de l’ex-président Charles Taylor durant la première guerre civile libérienne. Les deux groupes se disputaient notamment les mines de diamants des comtés de Lofa et de Bomi. (cause SK.2019.17)

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