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Mai 68, un élan pour l’engagement politique des femmes

Dans les années 68, les luttes féministes se sont surtout focalisées sur la critique du patriarcat, le droit à l'avortement ou la sexualité (archives). Keystone/STR sda-ats

(Keystone-ATS) Les années 68 ont donné une forte impulsion à l’engagement politique des femmes. Si aux élections pour le Conseil national de 1971 et de 1975, elles ne représentaient que 16 et 17% des candidats, elles étaient deux fois plus nombreuses au sein des mouvements de 68.

La bataille pour le droit de vote des femmes, acquis au niveau fédéral en 1971, est sans doute l’un des facteurs qui a poussé les femmes dans la rue, mais ce n’est de loin pas le seul ni le plus fort, affirme Nuno Pereira, co-auteur de l’étude “Soixante-huitards helvétiques”. Les luttes féministes se sont davantage focalisées sur la critique du patriarcat, le droit à l’avortement ou la sexualité.

L’étude, qui se fonde sur 1366 témoignages d’ex-militants dont 51% de femmes, relève que dans la génération d’avant 1967, on dénombrait trois fois plus d’hommes que de femmes ayant investi un mouvement contestataire. Mai 68 a été “un catalyseur” pour les femmes, puisque l’on recense autant de personnes des deux sexes ayant adhéré à une organisation de la nouvelle gauche radicale entre 1968 et 1970.

Quant à la génération 1974-1976, elle est marquée par un phénomène inverse: plus des deux tiers des personnes qui commencent à s’engager à cette période sont des femmes. Ce qui s’explique par l’arrivée dans la sphère militante de nombreuses féministes au moment d’une intense campagne en Suisse pour le droit à l’avortement.

Mouvement pluriel

“Les mouvements de femmes des années 68 étaient divisés en plusieurs courants, avec parfois des dissensions internes”, précise M. Perreira. Et de noter l’écart entre les groupes donnant la priorité à l’engagement féministe et les groupes de femmes engagés à l’extrême gauche, qui voyaient la révolution socialiste comme préalable à l’aboutissement des revendications féministes.

Aussi, la moitié des militantes féministes, comme celles du Mouvement de libération des femmes (MLF) à Genève, étaient engagées dans d’autres mouvements, anti-impérialistes par exemple. “Or nombre d’entre elles se sentaient discriminées dans ces organisations, car elles se voyaient souvent limitées à des fonctions subalternes”, poursuit le chercheur de l’Université de Lausanne.

Femmes non mariées

L’étude cite en exemple le tirage de tracts ou la distribution de café et met en évidence le fait que les mouvements de Mai 68 n’étaient pas épargnés par un certain machisme. Beaucoup de femmes ont ainsi peu à peu opté pour un engagement exclusif dans le mouvement féministe autonome et la défense des intérêts des femmes.

L’enquête relève par ailleurs que parmi les militantes féministes des années 1965-1978, 70% étaient célibataires et 26% mariées. A titre de comparaison, à la même époque et dans une classe d’âge équivalente (20-34 ans), la proportion était exactement inversée, puisque moins d’un tiers des femmes suisses étaient célibataires.

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