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Libye: «Opération éclair ou guerre longue?»

Les insurgés célèbrent les premières frappes aériennes de la coalition. Keystone

La presse helvétique se montre mitigée ce lundi après les frappes militaires lancées ce week-end sur la Libye par une coalition composée notamment de la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Une action qui découle d'une résolution de l’ONU mais qui suscite déjà des craintes.

«Kadhafi l’a voulu: c’est la guerre», «Opération éclair ou guerre longue?», «Les raids de la coalition sauvent l’opposition à Benghazi. Et après?», «Un soutien qui a son prix», «Kadhafi se montre inflexible». Ces quelques titres de la presse nationale résument bien la complexité de la situation créée par l’intervention de la coalition occidentale en Libye.

Une chose est sûre, la guerre sera sanglante mais son issue dépendra du départ ou non de Kadhafi et donc d’un changement de régime, remarque Le Temps. «Pour l’heure, au sein de la coalition, personne n’ose formuler cet objectif de façon aussi claire. Il est question de faire respecter une résolution de l’ONU pour protéger les civils, rien de plus.»

«Certes, relève le quotidien romand, les risque de l’inaction (…) étaient sans doute devenus plus importants que ceux d’une intervention. (…) Encore faut-il en expliquer les buts.» Sans quoi Le Temps craint que les divisions au sein de la coalition et du camp arabe ne torpillent ses chances de succès.

 

«Le temps joue pour Kadhafi»

Se libérer de Kadhafi est un bon plan, mais il faut voir si le moyen choisi l’est aussi, car le temps peut jouer en faveur de Kadhafi. avertit La Regione. Si une offensive aussi massive n’atteignait pas son but évident – provoquer désertions ou rébellions au sein d’une armée libyenne dont on ne connaît pas le degré de fidélité au raïs –. le maître de Tripoli pourrait se protéger derrière des boucliers humains plus ou moins volontaires.»

Si les frappes devaient se prolonger, craint le journal italophone, «les inévitables ‘dommages collatéraux’ sur les populations civiles pourraient provoquer une grosse vague de rejet parmi les populations arabes et le temps jouerait donc pour Kadhafi».

A propos de cette «guerre des nerfs en Libye», Le Matin donne la parole à un expert: «Pour être efficaces, les avions de la coalition devraient aussi s’en prendre aux troupes au sol (ce qui) ne peut se faire qu’avec l’accord des insurgés, voire même à leur demande exclusive», estime Ludovic Monnerat, de la Revue militaire suisse.

Le réveil des consciences

La Tribune de Genève et 24 Heures s’inquiètent des conséquences possibles des suites de «l’Aube de l’odyssée», cette nouvelle confrontation armée au nom poétique. «A peine les avions avaient-ils décollé que les consciences s’inquiétaient d’un cauchemar recommencé.»

Evoquant le souvenir du déclenchement des guerres d’Irak et d’Afghanistan, l’éditorialiste redoute que cette guerre ne dure, «comme les autres». Le problème, c’est si la coalition devait un jour appuyer les insurgés au sol. «Les pays arabes engagés aux côtés des Occidentaux sont trop peu nombreux pour que les procès en impérialisme ne soit pas ouverts (…) Le Printemps arabe sera alors entré dans un hiver, froid et dur.»

Quel but réel?

Un «engagement flou», c’est ainsi que le Tages Anzeiger définit la décision de Barack Obama d’attaquer la Libye. «On peut d’ores et déjà se demander où le président des Etats-Unis veut arriver. Chasser Kadhafi? Créer une brèche pour la démocratie arabe à Tripoli?» Si la guerre devait durer, conclut le quotidien germanophone, «le président démocrate n’aurait alors rien à envier à son prédécesseur républicain: un faiseur de guerre».

La Liberté relève les «arrière-pensées franco-françaises (qui) ont elles aussi pesé sur le choix de la France, au-delà du bien-fondé de ce choix». Faisant allusion à l’éventuelle candidature du président Nicolas Sarkozy pour un nouveau mandat en 2012, le correspondant à Paris du quotidien fribourgeois relève que l’opération permet du même coup de «densifier une ‘représidentialisation’ ternie par la gestion des révolutions arabes.»

Décision. A l’issue de trois jours d’âpres négociations, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté jeudi soir en faveur d’un recours à la force contre les troupes du colonel Mouammar Kadhafi.

10 sur 15. Le texte a été adopté par 10 voix sur les 15 membres du Conseil de sécurité. La Chine et la Russie se sont abstenues mais n’ont pas utilisé leur veto pour bloquer le texte. L’Allemagne, le Brésil et l’Inde se sont aussi abstenus.

Appui arabe. Le Qatar et les Emirats arabes unis vont participer à des opérations militaires conjointes dans le cadre du mandat des Nations unies, a pour sa part affirmé jeudi un diplomate onusien.

Mesures. La résolution autorise à prendre «toutes les mesures nécessaires» pour protéger les civils et imposer un cessez-le-feu à l’armée libyenne, y compris des frappes aériennes, mais précise qu’il n’est pas question d’occupation militaire.

Exclusion aérienne. Elle prévoit aussi une zone d’exclusion aérienne pour empêcher l’aviation du colonel Kadhafi de pilonner ses opposants.

La Suisse a reconnue la résolution adoptée jeudi par le Conseil de sécurité de l’ONU sur la Libye. 

Cette résolution constitue un «signe positif et crée les conditions nécessaires pour mettre fin aux souffrances de la population civile désarmée», écrit le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) dans un communiqué publié vendredi.

Le DFAE condamne «de la manière la plus forte» «toute violence non légitimée démocratiquement des autorités contre sa propre population». Il exige que les responsables soient jugés, soit devant la justice de leur pays, soit devant un tribunal international.

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