
L’e-ID passe de justesse l’épreuve des urnes

Au terme d’un long suspense, le peuple suisse dit oui du bout des lèvres, à 50,4%, à l’identité électronique. L’une des revendications de longue date de l’Organisation des Suisses de l’étranger se trouve ainsi satisfaite.
Les citoyennes et citoyens suisses disposeront d’une carte d’identité numérique dès le troisième trimestre 2026, comme c’est déjà le cas dans la majorité des pays européens.
Les partisanes et partisans de l’identité électronique (e-ID) ont dû attendre jusqu’en milieu d’après-midi avant de pouvoir célébrer une victoire moins triomphale qu’attendue. Les Suisses ont finalement accepté de justesse, à 50,4%, le projet élaboré par les autorités.
Cette longue incertitude a étonné tout le monde, car les sondages réalisés au cours de la campagne donnaient jusqu’ici le oui gagnant avec une certaine marge.
Tous les indicateurs semblaient annoncer une large adhésion à l’e-ID. Un premier projet soumis au peuple en 2021 ayant été refusé dans les urnes, principalement en raison de sa gestion confiée à des privés, les autorités avaient misé sur une e-ID entièrement gérée par l’État, gratuite et facultative.
La peur a influencé le résultat
Les partisanes et partisans du projet avaient constitué une large alliance pour défendre la loi sur l’e-ID: à l’exception de l’Union démocratique du Centre (UDC / droite conservatrice), tous les partis gouvernementaux la soutenaient.
Pour expliquer le résultat plus serré que prévu, le député vert Gerhard Andrey a estimé, au micro de la télévision publique francophone RTS, que le comité référendaire a réussi à jouer avec les peurs de la population. «La numérisation, c’est un fait: elle est présente dans notre vie professionnelle, personnelle, et aussi dans le monde politique», a toutefois affirmé celui que l’on considère comme le père du projet d’e-ID.
De son côté, Olga Baranova, la secrétaire générale de l’association CH++, qui a fait campagne en faveur de l’e-ID, a estimé que le travail «ne faisait que commencer», dans le journal Le TempsLien externe. Elle a toutefois relevé qu’il s’agira désormais de convaincre la population d’utiliser l’outil et aussi tenir compte des arguments de l’opposition.
Un fossé entre Parlement et peuple
Même le camp des adversaires de l’e-ID s’attendait à un oui plus clair. Interrogé par la RTS, Jonas Sulzer, membre du comité référendaire, considère que les préoccupations du camp du non ont été entendues. «C’est un succès que nous ayons réussi à sensibiliser un grand nombre de personnes, qui ont constaté ces manquements», a-t-il affirmé.
Il a également insisté sur l’écart entre le vote du Parlement, largement favorable au projet, et celui du peuple, nettement plus partagé. «Pour moi, cela montre que certains milieux économiques espéraient tirer profit des abus que cette loi aurait permis», a-t-il estimé.
Jonas Sulzer a toutefois tenu à préciser que le comité référendaire n’est pas opposé à la numérisation: «Nous allons continuer à avancer, mais vers une numérisation qui protège les citoyens.»
«Une Suisse profondément divisée»
À la télévision suisse alémanique, le politologue Lukas Golder a interprétéLien externe le résultat serré comme un «vote de défiance» envers le gouvernement. À ses yeux, cette tendance ne se limite pas à l’électorat de l’UDC, mais s’étend aussi aux groupes à faible revenu et aux femmes. «Il s’agit d’une Suisse profondément divisée», a-t-il résumé.
Lukas Golder constate également que les milieux conservateurs ont réussi à mobiliser leur camp, surtout les personnes critiques à l’égard des institutions.
La Cinquième Suisse marque un point
L’adoption de l’e-ID représente une victoire pour l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), engagée de longue date en faveur de sa mise en place. Dans un communiquéLien externe, elle s’est réjouie d’«une décision importante pour la Cinquième Suisse».
L’OSE estime que «la possibilité de s’identifier en ligne de manière sécurisée à l’aide de l’e-ID étatique» permettra un accès facilité aux services des autorités suisses, ce qui bénéficiera particulièrement aux Suisses vivant à l’étranger. Elle espère également que l’e-ID facilitera l’accès à certains services privés, notamment bancaires.
Le lobby de la Cinquième Suisse souligne que «l’e-ID ouvre de nouvelles perspectives démocratiques». Elle y voit un levier pour accélérer le développement du vote électronique et de la collecte de signatures en ligne.
Une e-ID typiquement suisse
Le scrutin constitue un jalon important dans la transformation numérique du pays. Une étape qui permet à la Suisse de rattraper son retard numérique sur d’autres États.
La Confédération a toutefois opté pour une approche prudente. L’identité numérique helvétique a été conçue comme une alternative aux documents d’identité physiques.
Il sera possible de s’en servir sur Internet, pour demander un extrait du casier judiciaire, un permis de conduire ou une attestation de résidence. Mais aussi pour prouver son âge lors d’un achat d’alcool en ligne par exemple. Dans ce cas, l’entreprise concernée n’aura pas accès à l’e-ID elle-même, le magasin ne verra que si l’âge minimum a été atteint.
En revanche, elle n’offrira pas de fonctionnalités supplémentaires à l’image des systèmes choisis par beaucoup d’autres États, qui permettent par exemple de se connecter aux services administratifs ou de signer des documents en ligne.
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