Des perspectives suisses en 10 langues

Ueli Maurer, le chef de clan devenu conseiller fédéral

Ueli Maurer se rend à la conférence de presse pour annoncer sa démission
Ueli Maurer se rend à la conférence de presse pour annoncer sa démission du Conseil fédéral, le 30 septembre 2022 à Berne. © Keystone / Peter Klaunzer

Après quatorze ans au gouvernement et trois décennies dans la Berne fédérale, le conseiller fédéral UDC Ueli Maurer a annoncé vendredi sa démission. Retour sur la carrière d'un homme qui aura mené son parti au sommet et marqué de son empreinte la politique suisse.

Ueli Maurer a annoncé vendredi qu’il quittera le Conseil fédéral à la fin de l’année. Le Zurichois a précisé qu’il avait déjà pris cette décision au cours de l’été dernier, bien qu’il avait assuré qu’il resterait jusqu’à la fin de la législature. Le doyen en fonction du gouvernement tire sa révérence à presque 72 ans.

En plus de 40 ans de carrière, Ueli Maurer a connu tous les échelons de la politique suisse. Ce fils d’agriculteur, comptable de formation, n’a pas encore 28 ans quand, en mai 1978, il est élu à l’exécutif d’Hinwil, la commune de l’Oberland zurichois où il a grandi. En 1983, il devient député au Grand Conseil (parlement) du canton de Zurich, puis élu au Conseil national (la Chambre basse du Parlement fédéral) en 1991. Président de l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice) pendant 12 ans, représentant de l’aile dure du parti, il accède à la fonction suprême le 1er janvier 2009, succédant à Samuel Schmid. Marié, père de six enfants, Ueli Maurer est major à l’armée.

Ueli Maurer président de parti (1996-2008)

Le 27 janvier 1996, Ueli Maurer, à peine reconduit pour un deuxième mandat au Conseil national, est élu à la présidence de l’UDC Suisse par l’assemblée des délégués. Seul candidat en lice, le Zurichois – très attaché à la défense des paysans sous la Coupole fédérale – ne fait pourtant pas l’unanimité parmi les sections romandes, bernoise et grisonne. Les représentants modérés du parti lui reprochent notamment d’être l’homme de Christoph Blocher, le président de la puissante section zurichoise, fer de lance de l’aile populiste et anti-européenne de l’UDC.

Ueli Maurer participe à la course militaire de Frauenfeld le 17 novembre 1996.
Ueli Maurer participe à la course militaire de Frauenfeld le 17 novembre 1996. Keystone / Str

Huit ans plus tard, le soir du 19 octobre 2003, l’UDC remporte haut la main les élections fédérales avec 26,7% des suffrages, devançant le Parti socialiste de plus de 3,5 points. Ueli Maurer, triomphant, pose un ultimatum: l’UDC revendique un deuxième siège au Conseil fédéral et, menace-t-il, ce deuxième fauteuil doit revenir à Christoph Blocher, sans quoi le parti quittera le gouvernement. Ce chantage, inhabituel sous la Coupole fédérale, porte ses fruits et le tribun zurichois est élu à la place de la démocrate-chrétienne Ruth Metzler.

Lorsqu’Ueli Maurer présente sa démission, le 26 octobre 2007, la formation conservatrice a encore conforté sa place de premier parti de Suisse. Sous la présidence du Zurichois, la force électorale de l’UDC a presque doublé, passant de 14,9% à 28,9% au niveau national. Son travail de terrain a par ailleurs permis la création de quelque 600 sections locales et de 12 partis cantonaux. C’est le succès d’une stratégie axée sur la provocation permanente et la semi-opposition – à la fois parti gouvernemental et parti d’opposition.

Revers de la médaille, cette méthode ne permet toutefois pas de convaincre les électeurs lors des scrutins au système majoritaire, pour le Conseil des Etats (la Chambre haute du Parlement) ou les gouvernements cantonaux par exemple. Autre déconvenue, le 12 décembre 2007, l’Assemblée fédérale décide de ne pas réélire Christoph Blocher au Conseil fédéral, lui préférant l’UDC grisonne Eveline Widmer-Schlumpf. Cet événement, qui entache la fin du mandat d’Ueli Maurer, marque la création du Parti bourgeois-démocratique (PBD), né d’une scission des sections grisonne et bernoise de l’UDC.

>> Le portrait d’Ueli Maurer à l’annonce de sa démission dans le 19h30 de la Télévision suisse romande (TSR), le 26 octobre 2007:

Contenu externe

Ueli Maurer conseiller fédéral (2009-2022)

Quand le conseiller fédéral PBD (ex-UDC) Samuel Schmid annonce sa démission en novembre 2008, les démocrates du centre sautent sur l’occasion pour reprendre un siège au Conseil fédéral. Ils lancent dans la course le ministre déchu Christoph Blocher et… Ueli Maurer. L’ancien président de l’UDC est finalement choisi par l’Assemblée fédérale le 10 décembre 2008 au terme d’une élection haletante. Il obtient la majorité absolue au troisième tour de scrutin, devançant son collègue de parti thurgovien Hansjörg Walter d’une seule voix.

>> Les coulisses de l’élection d’Ueli Maurer (émission Mise au point, 14 décembre 2008):

Contenu externe

Ueli Maurer succède à Samuel Schmid à la tête du Département fédéral de la défense (DDPS) le 1er janvier 2009, promettant de faire de l’armée suisse «la meilleure armée du monde». Il ne ménage pas ses efforts et remporte un net succès lors de la votation sur l’initiative demandant l’abrogation du service militaire obligatoire en été 2013, balayée par près de trois Suisses sur quatre. Mais son règne est surtout marqué par la déconvenue de l’avion de chasse Gripen, rejeté dans les urnes en mai 2014.

>> Le Gripen cloué au sol (émission Mise au point, 18 mai 2014):

Contenu externe


Ueli Maurer président de la Confédération (2013 et 2019)

En quatorze ans au Conseil fédéral, Ueli Maurer a connu deux fois l’honneur de la présidence de la Confédération. La première fois, en 2013, le Zurichois cultive son image d’homme du peuple avant tout, préférant fêter avec la population que serrer les mains des chefs d’Etat étrangers. Il implore la petite Suisse de ne pas céder face aux pressions des puissances internationales, faisant référence au mythe biblique de David contre Goliath.

>> Ueli Maurer dresse le bilan de son année présidentielle (19h30 de la RTS, 27 décembre 2013):

Contenu externe

Six ans plus tard, en 2019, le président Ueli Maurer change de stature et multiplie les rencontres avec les grands de ce monde: avec Xi Jinping à Pékin en avril, avec Donald Trump à Washington en mai ou encore avec Vladimir Poutine à Moscou en novembre. Certains lui reprochent toutefois un excès de cynisme, notamment lorsqu’il annonce un retour à la normale des relations avec l’Arabie saoudite à la suite de l’affaire du journaliste assassiné Khashoggi, ou son manque d’empressement à régler la question européenne.

>> Ueli Maurer défend son année de présidence (19h30, 27 décembre 2019):

Contenu externe

Qui pour succéder à Ueli Maurer?

La course à la succession d’Ueli Maurer est désormais ouverte. La question sur toutes les lèvres est de savoir si l’UDC présentera pour la première fois une femme sur son ticket. La fille de Christoph Blocher, Magdalena Martullo-Blocher, est le premier nom qui vient à l’esprit. Mais son profil pourrait ne pas faire l’unanimité. L’ancienne députée Natalie Rickli, également zurichoise, pourrait être une option plus consensuelle. D’autres politiciennes, à l’image de la Saint-Galloise Esther Friedli ou de la Thrugovienne Diana Gutjahr, pourraient également se profiler.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision