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Violences et crise politique minent Madagascar

Des milliers de supporters du leader de l'opposition malgache, Andry Rajoelina, manifestent à Antananarivo. Keystone

Depuis lundi, la capitale malgache est le théâtre de scènes de violences. La Grande Ile connaît sa pire crise depuis 2002. Le président Ravalomanana tente de reprendre la main et accuse le maire d'Antananarivo d'être «l'initiateur des troubles» qui ont fait au moins 34 morts.

«J’ai peur pour ma famille, ils sont en train de tout détruire». L’inquiétude de cette Malgache, établie près de Fribourg, traduit l’angoisse de la diaspora de la Grande Ile à l’heure où celle-ci plonge dans sa première grande crise depuis sept ans, à savoir depuis l’arrivée au pouvoir de Ravalomanana.

En quelques jours, ce que l’on pressentait depuis la seconde élection de Marc Ravalomanana, à fin 2006, s’est brutalement cristallisé. Ulcéré par la récente fermeture de sa chaîne de télévision privée, le maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina, a engagé un bras de fer avec celui qui occupa – précisément! – la mairie de la capitale avant de déboulonner l’ancien président Didier Ratsiraka au début de 2002.

Orange révolutionnaire

Depuis samedi, les événements se sont précipités avec une rapidité qui tranche avec la modération et la tradition pacifique des Malgaches. Après une grande manif où la foule portait la couleur orange, un peu comme lors de la «révolution orange» en Ukraine (2004), la journée de grève générale de lundi a tourné à l’émeute à Tana: immeuble de la TV d’Etat détruit et pillé, centres commerciaux attaqués, centrales d’achat du groupe agroalimentaire Tiko et télévision privée liées au président saccagées, violences engendrant la mort de plusieurs civils.

Rentré d’urgence de l’étranger pour «sauver la république», le président Ravalomanana a sitôt tenté de désamorcer la crise en appelant au rétablissement de l’ordre, au calme et à l’ouverture de discussions avec ceux qui réclament la démission du pouvoir.

Apaisement relatif

C’est ainsi que le jeune maire de Tana (34 ans), surnommé «TGV» car réputé fonceur, a suspendu hier les manifestations en proposant à son tour de «discuter» avec le président. Mais la traînée de poudre ne s’est pas pour autant éteinte d’elle-même.

Selon l’un des rares sites d’information encore ouverts (sobika.com), les attaques ou pillages se sont étendus à divers points du pays: de Nosy Be (nord) à Tuléar (sud) en passant par Antsirabe (centre). Autrement dit, une réaction en chaîne traduisant les maux profonds dont continue de souffrir la société malgache.

Scénario à fortes similarités

L’histoire, en effet, semble étrangement se répéter. En 2002, le maire d’alors d’Antananarivo (Ravalomanana) parvenait, après des élections confisquées par l’ancien président Didier Ratsiraka, à faire tomber ce dernier au terme de plusieurs mois de manifestations parfois violentes.

Scénario à fortes similarités, aujourd’hui, avec un maire de la capitale, lui aussi chef d’entreprise, accusant le président en place de «dictature», de déni de démocratie et de gaspillage des fonds publics. Autant d’anathèmes rappelant le début 2002.

Selon les médias malgaches, l’éruption actuelle doit beaucoup au choc des «ego», entre le président et Rajoelina, chef de l’opposition élu sur une liste indépendante du tout-puissant parti présidentiel (TIM). Mais pas seulement. Sept ans après son élection, le président chef d’entreprise milliardaire n’a pas réussi à contrer l’appauvrissement général de la population.

Régime libéral

De grands travaux spectaculaires (réseau routier, écoles) ont certes amélioré l’infrastructure du pays. La lutte contre la corruption, symbolisée par le «Bianco» (Bureau indépendant anticorruption) et l’Observatoire national de l’intégrité, a désormais pignon sur rue. Des pôles de croissance ont été mis en place avec la Banque mondiale.

Mais l’inflation frappe et les Malgaches ont la sensation d’être plus démunis que jamais. En outre, en libéral admirateur des Etats-Unis, Ravalomanana a cherché à attirer les investisseurs. Mais l’un des résultats tangibles consiste en des accords avantageux pour les sociétés étrangères exploitant le secteur minier.

Autre concession, fustigée par le maire d’Antananarivo: la «spoliation» des terres malgaches. Ainsi, un gigantesque projet d’utilisation de terres arables pour les besoins alimentaires de la Corée du Sud a été accordé au conglomérat Daewoo. Un comble, pour beaucoup, dans un pays agricole mais qui ne parvient pas à l’autosuffisance en riz…

Autant dire que sept ans après, l’homme qui avait mis fin à la dictature se retrouve devant une contestation frontale et une profonde amertume. Celle d’une population à la patience légendaire, mais excédée de voir son pays géré comme une entreprise au profit, apparemment, d’une minorité et au détriment de l’immense majorité des habitants.

swissinfo, Pascal Baeriswyl /La Liberté

Madagascar a été pendant longtemps un pays prioritaire de l’aide bilatérale suisse.

Fin. En 1998, la DDC a pris la décision de fermer le Bureau de coordination d’Antananarivo à l’horizon 2000 et de réduire fortement ses engagements.

Special. Le programme de la DDC à Madagascar est ainsi devenu à partir de 2001 ce qu’on appelle un programme spécial. L’essentiel de ce programme spécial est représenté par SAHA.

SAHA est un vaste projet de développement rural, touchant environ 1’200 groupements paysans et 400 communes dans 3 grandes régions du pays (Imerina, Betsileo et Morondava). Il est mis en œuvre par la Fondation suisse Intercoopération.

Bénéfique. Le nombre total de personnes bénéficiant des appuis de SAHA est estimé à 410’000. Des enquêtes ont montré les effets bénéfiques de SAHA sur le revenu d’environ 50’000 familles rurales.

La DDC est également présente à Madagascar avec deux autres actions en régie propre, complémentaires à SAHA, dans les domaines de la décentralisation et de la lutte contre la corruption.

Le montant total engagé par la DDC à Madagascar s’élève à environ 6.5 millions de CHF par an.

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