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Procès du “camion charnier”: le chef du réseau muré dans le silence

Le parquet a prévenu qu'il requerrait à l'encontre des quatre principaux accusés la réclusion criminelle à perpétuité incompressible pour "homicides avec circonstance aggravante de cruauté particulière". KEYSTONE/EPA MTI/SANDOR UJVARI sda-ats

(Keystone-ATS) Le chef présumé du réseau responsable de la mort atroce de 71 migrants dans un camion frigorifique retrouvé en Autriche en août 2015 est resté muré dans le silence jeudi. Il comparaissait au deuxième jour du procès des trafiquants responsables de ce drame.

“Je ne m’exprimerai qu’après avoir entendu ce qu’auront dit tous mes associés”, a déclaré Samsoor L. à la cour d’assises de Kecskemét, dans le sud de la Hongrie, qui juge cet Afghan de 30 ans et dix de ses complices bulgares et libanais.

Il lui est reproché d’avoir laissé mourir les migrants d’asphyxie dans le compartiment hermétiquement clos du véhicule, alors même qu’il savait que les passagers étaient en danger de mort.

Les 59 hommes, huit femmes et quatre enfants, dont un bébé, originaires de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, avaient succombé moins de trois heures après avoir été pris en charge près de la frontière serbe en Hongrie le 26 août 2015, espérant rejoindre l’Allemagne.

Ouverture des frontières

Le camion avait été retrouvé le lendemain, abandonné sur une autoroute autrichienne près de la frontière hongroise avec sa macabre cargaison.

Le choc provoqué par ce drame avait contribué à l’ouverture provisoire des frontières européennes aux migrants venant par centaines de milliers du Proche et Moyen-Orient.

Procureur “menteur”

Le parquet a prévenu qu’il requerrait à l’encontre des quatre principaux accusés la réclusion criminelle à perpétuité incompressible pour “homicides avec circonstance aggravante de cruauté particulière”.

“Je sais ce qui est vrai (dans l’acte d’accusation). Il y a des parties qui sont justes, d’autres qui sont fausses”, s’est contenté de déclarer jeudi Samsoor L. Il s’était présenté à l’ouverture du procès mercredi avec un écriteau en pachtoune qualifiant le procureur général hongrois de “menteur”.

Charges rejetées

Durant l’instruction, dont les procès-verbaux ont été lus jeudi à l’audience, cet homme au visage fin, se disant psychologue de formation, avait systématiquement rejeté les charges de plus en plus lourdes s’accumulant contre lui, se présentant comme un simple commerçant spécialisé dans l’import-export de voitures.

Confronté à des comptes-rendus d’écoutes accablants, où il ordonne notamment que le chauffeur “laisse mourir” les migrants plutôt que d’entrebâiller leur porte afin qu’ils puissent respirer, il avait refusé de répondre aux enquêteurs.

Il ne s’est pas montré davantage disert à l’audience jeudi. Pas plus que son bras droit présumé, Metodi G., également invité à s’exprimer. “Je ne ferai pas de déclaration avant d’avoir entendu ce que disent les autres”, a indiqué ce dernier.

Au cours de l’instruction, ce Bulgare de 31 ans avait cependant fini par reconnaître avoir joué un rôle central auprès de Samsoor L. pour le recrutement de chauffeurs et l’achat de véhicules destinés au trafic de migrants vers l’Autriche et l’Allemagne.

Pause ordonnée

Il avait toutefois prétendu que lors du transport fatal, lui et son chef avaient ordonné au chauffeur de faire une pause pour soulager les migrants.

“Le camion s’est arrêté sur un parking d’autoroute mais une voiture de police est arrivée et (le chauffeur) a paniqué et a repris la route sans avoir ouvert”, a-t-il assuré sur procès-verbal.

“Personne ne voulait que les migrants meurent. Je ne suis pas responsable de la mort de ces gens, je suis très triste, si je pensais que j’étais coupable, je me suiciderais”, avait-il poursuivi.

“De plus en plus avide”

Entassés dans 14 mètres carrés avec moins de 30 mètres cubes d’air pour respirer, les 71 victimes ont connu “une mort particulièrement cruelle, car ils savaient qu’ils allaient mourir d’asphyxie et que leur agonie a été lente”, selon le parquet.

Le réseau avait généré d’importants bénéfices en convoyant au moins 1106 migrants de février à août 2015. “Samsoor était le chef de tout”, a indiqué Metodi G lors de l’instruction. “Au début tout allait bien, puis il est devenu de plus en plus avide et voulait transporter de plus en plus de gens.”

Le procès doit se poursuivre durant plusieurs mois, un verdict étant attendu au mieux à la fin de l’année.

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