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A 13,2 milliards d’années-lumière de la Terre

C'est dans cet amas, photographié par le téléscope spatial Hubble, que se trouve la galaxie la plus lointaine. (image: NASA) swissinfo.ch

Une équipe franco-suisse d’astronomes a découvert Abell 1835 IR1916, la galaxie la plus lointaine jamais identifiée.

En raison de sa formidable distance, cet amas d’étoiles nous apparaît tel qu’il était lorsque l’univers n’était pas même vieux d’un demi-milliard d’années.

Regarder loin dans l’univers, c’est aussi regarder loin dans le passé.

Lorsqu’on annonce la découverte d’une galaxie distante de 13,23 milliards d’années-lumière, cela signifie que cet amas d’étoiles nous apparaît aujourd’hui tel qu’il était il y a 13,23 milliards d’années.

Sa lumière a en effet mis tout ce temps à nous parvenir, en voyageant à la vitesse folle de 300’000 kilomètres à la seconde.

Découverte franco-suisse

C’est une équipe franco-suisse d’astrophysiciens qui est parvenue à identifier cette galaxie, aussitôt baptisée Abell 1835 IR1916, soit un simple numéro d’ordre dans l’amas de galaxies où elle se trouve.

Les observations ont été faites entre le printemps et l’été dernier, sur le Very large Telescope (VLT) de l’European Southern Observatory (ESO) situé à Paranal, au Chili.

Et les données ont été analysées par des chercheurs de l’Observatoire Midi-Pyrénées et du Laboratoire d’Astrophysique de Toulouse-Tarbes, auxquels s’est associé Daniel Schaerer, de l’Observatoire de l’Université de Genève, titulaire d’une bourse du Fonds national suisse de la recherche (FNS).

Un bébé de deux ans et demi

Si l’on admet que le Big Bang, soit l’explosion initiale qui a produit toute la matière de l’univers, a eu lieu il y a 13,7 milliards d’années, la nouvelle galaxie nous apparaît donc telle qu’elle était à une époque où l’univers avait à peine 470 millions d’années.

Cette découverte établit donc un nouveau record par rapport à celle annoncée il y a deux semaines à Seattle. Une équipe avait alors décelé une galaxie datant de 750 millions d’années après le commencement des temps.

Autrement dit, si l’on compare l’âge de l’univers à celui d’une personne de 75 ans, la découverte précédente correspondrait à celle d’un enfant de quatre ans, alors que Abell 1835 IR1916 est un bébé de deux ans et demi.

Des loupes géantes

Pour parvenir à voir aussi loin, les astronomes doivent se servir d’immenses «loupes» naturelles, qui ne sont autres que des amas géants de galaxies.

Comme l’ont démontré les théories d’Einstein, les fortes concentrations de matière amplifient la lumière des objets plus petits situés derrière eux. Dans le cas de cette nouvelle galaxie, la lumière a été amplifiée entre 25 et 100 fois.

«Nous travaillons sur ce projet depuis presque trois ans, explique Daniel Schaerer. Et bien sûr, nous n’avons pas pointé nos télescopes au hasard. Nous savions que dans cette zone du ciel, nous allions bénéficier de cet effet d’amplification gravitationnelle».

Les premières étoiles

Tout ce que l’on sait actuellement d’Abell 1835 IR1916, c’est qu’il s’agit d’une galaxie naine, dont la masse est 10’000 fois inférieure à celle de notre Voie Lactée.

Ceci accréditerait la thèse qui veut que les grandes galaxies se soient formées par accumulation et fusion de galaxies plus petites.

Mais surtout, la nouvelle galaxie permet aux astronomes de s’approcher un peu plus près de ce qu’ils rêvent tous d’observer: la première génération d’étoiles.

«Aujourd’hui, on pense que les premières étoiles ont pu s’allumer 100 à 200 millions d’années après le Big Bang», explique Daniel Schaerer.

Abell 1835 IR1916, visible aujourd’hui telle qu’elle était 470 millions d’années après l’explosion initiale, pourrait donc contenir certaines de ces toutes premières étoiles.

Une question majeure

Mais, pour en savoir plus, les auteurs de cette découverte vont devoir retourner à leurs télescopes. D’ici à quelques semaines, les observations vont reprendre afin d’essayer, via l’analyse de la lumière, de déterminer la composition chimique de ces jeunes étoiles.

«C’est une des questions majeures de l’astronomie actuelle, rappelle Daniel Schaerer. Nous aimerions savoir si les premières étoiles ne contenaient que de l’hydrogène et de l’hélium ou si on y trouvait déjà des éléments plus lourds.»

La question est loin d’être académique. On a en effet la quasi-certitude que tous les atomes qui composent l’univers actuel – y compris ceux de nos propres corps – ont été forgés à partir de la soupe de particules initiale dans le cœur des premières étoiles.

swissinfo et les agences

– L’univers est d’abord fait de vide. Les corps célestes n’y sont pas uniformément répartis comme pourrait le laisser croire la simple observation du ciel nocturne.

– En réalité, les étoiles, leurs planètes et les nuages de gaz qui servent de matière première à la formation de nouveaux corps célestes se regroupent en immenses amas nommés galaxies.

– Notre système solaire est inclus dans une galaxie que nous nommons Voie Lactée.

– Les distances d’une galaxie à une autre sont vertigineuses. Andromède, la galaxie la plus proche de notre Voie Lactée, est à deux millions d’années-lumière de nous.

– L’année-lumière est l’unité de mesure adoptée par les astronomes. Elle correspond à la distance parcourue par la lumière en une année, soit environ dix millions de milliards de kilomètres.

– Notre Soleil se trouve à huit minutes-lumière de la Terre. Pluton, la planète la plus éloignée de notre système solaire, est à cinq heures. L’étoile la plus proche est à 4,3 années-lumière, et le diamètre de notre galaxie est d’environ 90’000 années-lumière.

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