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Le grand show du partenariat avec l’Est

Doris Leuthard sur scène: discours très écolo pour la ministre de l'Economie. swissinfo.ch

Une année après le «oui» au milliard de cohésion, la 12e Conférence annuelle de la coopération suisse avec l'Europe de l'Est a pris, jeudi à Lucerne, un lustre tout particulier.

Dans le prestigieux Palais de la culture et des congrès, plus de 500 personnes ont assisté à un grand show multimédia mêlant habilement émotion et réflexion.

Les pieds dans le Lac des Quatre Cantons, le Palais dessiné par l’architecte français Jean Nouvel offre un écrin de choix aux grands rendez-vous musicaux, culturels ou mondains.

Mais ce jeudi, nul besoin d’avoir été trié sur le volet pour pénétrer dans ce somptueux assemblage de verre, de métal, de béton et de bois précieux.

Comme chaque année depuis 1996, la Conférence de la coopération suisse avec l’Europe de l’Est est ouverte à tous. L’entrée est gratuite, les buffets également, il suffit de s’inscrire un peu à l’avance.

Du coup, parmi les quelque 500 personnes rassemblées à Lucerne, on croise aussi bien des professionnels de la coopération que des entrepreneurs attirés par les nouveaux marchés, des amis des pays de l’Est, des étudiants ou de simples quidams intéressés par la manière dont on dépense une partie de leurs impôts à l’étranger.

Ile de Vénus et taux de croissance

Sur la scène tendue de tissu orange, c’est Sandra Studer, star alémanique de la chanson, de la TV et de la comédie musicale, qui mène le bal. En vedette: les dix nouveaux pays membres de l’Union européenne, ceux-là même à qui la Suisse destine son milliard de cohésion.

Pour se présenter sur l’écran géant, chacun a choisi quelques images de carte postale, mêlant beauté des paysages, de la jeunesse et des villes, tradition et modernité.

L’occasion de rappeler que la Slovaquie «a les plus belles femmes du monde», que Chypre est l’île de Vénus, que la Lituanie est la seconde patrie du basket ou que les Hongrois ne manquent pas d’autodérision avec leur chocolat «totalement inexportable».

Sans oublier toutefois les inévitables taux de croissance du PIB et du commerce extérieur…

Les prématurés de Silésie

Aussi plaisantes soient-elles, ces amabilités ne constituent pas pour autant l’entier du programme.

Au fil de la journée, cinq ministres se succèdent à la tribune, venus de Pologne, de Tchéquie, de Lituanie et de Berne, qui a dépêché les deux femmes du gouvernement: Micheline Calmy-Rey (également présidente de la Confédération) pour les Affaires étrangères et Doris Leuthard pour l’Economie, les deux secteurs impliqués dans le partenariat avec l’Est.

Pour illustrer les discours, le public peut découvrir les différents volets d’un documentaire tourné en Pologne, qui montre les efforts de la coopération suisse, surtout en matière de santé et d’environnement, domaines dans lesquels beaucoup est à faire.

Par exemple pour les familles de Silésie, région qui voit ses nouveau-nés naître prématurément à cause des pollutions héritées des exploitations minières qui firent autrefois sa richesse.

L’environnement, justement, réputé spécialité suisse, est très présent dans le discours de Doris Leuthard, qui parle programmes de gestion des déchets, assainissement des eaux ou efficacité énergétique, autant de domaines que la Suisse soutient chez ses partenaires.

De quoi jeter un froid

L’environnement fait également l’objet d’un des débats de l’après-midi. Ici, tout le monde semble d’accord: les futurs projets de coopération ne seront pas choisis sur la base de critères purement économiques. Tout le monde veut du développement durable.

Une unanimité qui laisse Jan Haverkamp quelque peu sceptique. Expert néerlandais des questions énergétiques établi à Prague pour le compte de Greenpeace, il sait d’expérience qu’en réalité, «les investisseurs se soucient d’abord de rentabiliser leur business».

«Dans la plupart des pays de l’Est, le secteur énergétique est encore centralisé comme au temps du communisme, note l’écologiste. On pense à construire des usines géantes, mais on néglige l’isolation des bâtiments. En Bulgarie par exemple, le gouvernement alloue 200 millions d’euros à un programme d’efficacité énergétique. C’est parfait. Mais en même temps, il prévoit de construire des centrales nucléaires pour 7 milliards d’euros».

«La République tchèque a un excellent ministre de l’Environnement, poursuit Jan Haverkamp. Mais au sein du gouvernement, il n’a pratiquement aucun poids face à ses collègues des Finances ou de l’Industrie, qui ne se soucient absolument pas d’écologie.»

Des propos qui jettent un froid parmi tant de cordialité, d’enthousiasme et d’optimisme. Est-ce qu’au moins on peut les tempérer en se disant que la Suisse ne va pas soutenir de nouveaux massacres environnementaux comme ces pays en ont déjà trop connu?

«Sa grande force, admet l’expert de Greenpeace, c’est d’être petite. Comme elle n’a que peu d’argent à distribuer, elle ira regarder de très près à quoi celui-ci est utilisé. Elle évite ainsi la tentation de la mégalomanie.»

swissinfo, Marc-André Miserez à Lucerne

Le 1er mai 2004, 10 nouveaux Etats sont entrés dans l’Union européenne (UE): Lettonie, Lituanie, Estonie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Slovénie, Malte et Chypre.

Avec le 2e paquet d’accords bilatéraux, considérant que l’extension du grand marché européen profitait également à la Suisse, l’UE a demandé à Berne de contribuer à l’élargissement. Le gouvernement a accepté de débloquer un milliard de francs.

Attaqué par un référendum, ce milliard de cohésion a été soumis au peuple le 26 novembre 2006 et accepté par 53,4% des suffrages.

La moitié environ de ce montant ira à la Pologne. Les deux autres bénéficiaires sont la Hongrie (131 millions) et la République tchèque (110 millions).

Depuis la chute des régimes communistes, la Suisse a dépensé près de 3,5 milliards de francs dans quelque 1000 projets de coopération dans les pays de l’Est.

Berne doit déterminer sa contribution à l’arrivée de deux nouveaux Etats dans l’UE: la Bulgarie et la Roumanie.

Traditionnellement, la Conférence de la coopération suisse avec l’Europe de l’Est porte sur un thème ou sur un pays unique et on y rencontre rarement plus de deux ministres.

Pour cette première édition d’après le vote sur le milliard de cohésion, les organisateurs lui ont donné une ampleur particulière: 10 pays, 5 ministres, une animatrice vedette, un cadre de prestige et un budget proche de 250’000 francs, contre 200’000 environ les années précédentes.

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