La Suisse va enfin adhérer à la convention de l’ONU sur le génocide
En 1982, le Conseil fédéral n’en voulait pas. Depuis, il a changé d’avis. Suivant ses recommandations, les députés ont décidé mercredi à l’unanimité de ratifier la convention de l'ONU sur la prévention et la répression du génocide.
En 1982, le Conseil fédéral n’en voulait pas. Depuis, il a changé d’avis. Suivant ses recommandations, les députés ont décidé mercredi à l’unanimité de ratifier la convention de l’ONU sur la prévention et la répression du génocide.
Paradoxalement, la Suisse fait figure de pionnière. Puisqu’elle a réussi le tour de force d’organiser sur son sol le procès d’un génocidaire rwandais en avril dernier alors qu’aucune disposition du droit pénal fédéral ne réprime ces actes. Le «militaire» avait alors pallié les lacunes du «civil». C’est en effet la justice militaire qui a permis de sauver la mise en prenant très au sérieux les engagements internationaux de la Suisse. Un pays dépositaire des Conventions de Genève sur le droit de la guerre.
Désormais, les choses vont pouvoir changer. La Suisse va donc ratifier la convention de l’ONU sur la prévention et la répression du génocide. Le Conseil national l’a décidé mercredi par 154 voix sans opposition. Dans la même foulée, les députés ont inscrit le crime de génocide dans le code pénal. Si le Conseil des Etats suit, le génocide sera puni de la réclusion à vie ou pour dix ans au moins. L’auteur d’un génocide commis à l’étranger sera punissable en Suisse lorsqu’il s’y trouve et ne pourra pas être extradé. La compétence en matière de répression reviendra en principe au Tribunal fédéral. L’instruction sera menée par la Confédération et l’accusation soutenue par son procureur.
Par ailleurs, les députés ont refusé, par 118 voix contre 34, que la Suisse formule une réserve à la convention de l’ONU sur le génocide selon laquelle elle ne poursuit ni n’extrade les personnes participant à des négociations de paix. Le chef de la diplomatie suisse, Joseph Deiss, a qualifié une telle réserve d’inutile et impossible. Le conseiller fédéral a expliqué qu’en cas de négociations de paix, l’immunité est en principe accordée aux chefs d’Etat. Reste que la Suisse serait tenue d’arrêter Slobodan Milosevic, poursuivi pour crimes contre l’humanité. Et ce, en vertu de la primauté du mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.
Pour le Conseil fédéral, cette décision était inéluctable. Après avoir refusé en 1982 de signer la convention, le gouvernement a changé d’avis en avril dernier. Autour de la Suisse, le monde était en pleine ébullition. Les droits de l’homme occupaient l’agenda politique de toute la communauté internationale. Raison pour laquelle le Conseil fédéral demandait au parlement, dans son message, d’inscrire dans le Code pénal d’une norme réprimant le crime de génocide. D’autant que la Suisse s’était engagée à collaborer avec les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda. Et qu’elle est signataire du statut de la Cour pénale internationale, créée à Rome l’année dernière.
Jugurtha Aït-Ahmed

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