Trafic de drogue, mais pas de terrorisme
Le trafic de drogue - révélé en décembre et mettant en cause un noble saoudien - n'a pas financé des réseaux terroristes.
A Genève, la banque Kanz du prince Naef bin Fawwaz al-chalaan ne semble pas non plus avoir été utilisée à des fins douteuses.
«Un trafic de stupéfiants portant sur deux tonnes de cocaïne colombienne ne suffit-il pas? Pourquoi veut-on y ajouter des réseaux terroristes, sourit un enquêteur, à cause de la nationalité du prince?»
A l’annonce de perquisitions dans plusieurs sociétés et trois domiciles privés en décembre dernier, plusieurs journaux avaient évoqué une piste terroriste.
Même le nom d’Al-Qaida et d’Oussama Ben Laden avaient été cités. Pourtant, dans cette affaire, aucun élément ne s’éloigne de la piste strictement mafieuse.
En clair, il ne s’agit que d’une histoire de voyous, de grands voyous même. L’affaire porte sur deux tonnes de cocaïne colombienne, acheminée jusqu’au Venezuela.
Embarquée à bord d’un avion saoudien, cette drogue va d’abord à Riyad, avant de se poser sur l’aéroport du Bourget, près de Paris, le 16 mai 1999.
Téléphones vers la Suisse
Le 6 juin 1999, dans un pavillon de la banlieue parisienne, la brigade de répression du grand banditisme arrête deux personnes et met la main sur 800 kilos de cocaïne.
Quelque 300 autres kilos sont récupérés un peu plus tard à la frontière franco-espagnole.
L’hebdomadaire parisien L’Express révèle alors que, le soir de la livraison de la cargaison de drogue au Bourget, l’un des occupants de la villa a passé de son portable des appels téléphoniques en Suisse.
Il s’agit de Didier Dubreucq, surnommé «Les yeux bleus». En outre, trois autres personnes sont mises en cause. Elles sont toutes liées à la Suisse.
D’une part, le prince Naef bin Fawwaz al-Chalaan, utilisateur de l’avion qui a transporté la drogue, et président depuis 1998 de la banque Kanz de Genève, avec son frère jumeau Seoud bin Fawwaz al-Chalaan.
D’autre part, J. M. C. (financier espagnol) et M. J. (citoyen algérien et homme à tout faire du prince).
Des renseignements favorables
Dès l’annonce de la mise en cause du prince – il est inculpé aux Etats-Unis pour «complot en vue de détenir de la cocaïne avec intention de la distribuer» -, la banque Kanz annonce qu’elle met la clé sous la paillasson. Pour cause de manque d’activité.
Les premières investigations menées au sein de cet établissement, installé rue du Rhône à Genève, n’ont révélé aucune activité illicite… Du moins, pour l’instant.
Il s’agit en fait d’une toute petite banque, comptant moins de dix salariés, et dont le total du bilan n’atteint pas 90 millions de francs.
Arrêté dans son pays, le financier espagnol, lui, utilisait d’autres banques genevoises pour blanchir l’argent de la cocaïne. Toutefois, ces établissements ne devraient pas être mises en cause.
Ces derniers avaient pourtant mené des enquêtes approfondies et documentées sur ce client avant de lui ouvrir des comptes.
Partout, ils n’avaient recueilli que des renseignements favorables, y compris de la part des autorités. En Suisse, J. M. C. bénéficiait même d’un permis C de résident permanent. Cela dit, plusieurs questions méritent tout de même d’être posées.
Qui avait intérêt à protéger les trafiquants de drogue? Et aussi pourquoi les autorités suisses ne sont-elles pas intervenues avant, alors que l’implication du prince et de ses complices était connue des polices française et américaine depuis 1999 déjà?
swissinfo, Ian Hamel

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