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Les gays de Chine affichent leur fierté

La cause gay avance en Chine mais de manière bien plus discrète qu'à San Franciso (sur la photo). Keystone

Du jamais vu en Chine: la première Gay and lesbian pride – ou fierté homosexuelle – s'y tient cette semaine à Shanghai. La cause homosexuelle avance à grands pas en Chine, mais les retours de bâtons n'en sont pas moins à redouter.

«J’avais trois ans quand j’ai compris que j’aimais les hommes!». Popo Lan prétend se souvenir de l’émotion ressentie naguère, devant la télévision, assis sur les genoux de sa mère, lorsqu’il avait vu ce très bel homme sur le petit écran.

Vingt et un ans plus tard, il vient de révéler son homosexualité à ses parents. Popo Lan incarne cette nouvelle génération de Chinois qui – pour la première fois – peuvent vivre ouvertement leur différence. Conscient de sa chance, il consacre sa vie à la défense de la cause LGBT (lesbienne – gaie – bisexuelle – transsexuelle).

Applaudissements à Genève

A Genève, Yves de Matteis s’engage au sein des organisations internationales pour la défense des droits des homosexuels dans le monde. Co-président de Pink Cross (Association faîtière des organisations gaies de Suisse), il y dirige le Groupe de travail International, est délégué ILGA-World (Association Internationale des Lesbiennes et des Gays) et délégué aux questions de droits humains.

«Nous applaudissons bien sûr la première que constitue la pride de Shanghai, qui montre une ouverture croissante par rapport à l’homosexualité. Mais restons prudents, car des retours de bâtons ont déjà été constatés en Chine après une ouverture apparente. Pour l’instant, il y a un certain laisser-faire de la part des autorités – notamment depuis une prise de conscience du phénomène du sida – mais cela ne signifie pas que les revendications LGBT sont prises au sérieux et ont des chances d’aboutir.»

Pas de défilés

Popo Lan est fraîchement diplômé de l’Académie du film de Pékin. Il réalise des documentaires sur le quotidien des homosexuels, organise des tournées dans tout le pays, publie des ouvrages et des articles. Mais il est aussi féru de sport, et partira en juillet courir le marathon aux World Outgames de Copenhague. C’est la première fois que la Chine sera représentée à ces autres JO organisés par l’Association internationale sportive pour gais et lesbiennes (GLISA).

Le mois de juin est la saison des Gay and Lesbian Prides un peu partout dans le monde «libre». Quarante ans après les émeutes de Stonewall à New York, c’est Shanghai qui lance très discrètement la première Gay pride de l’histoire de la Chine, du 7 au 14 juin, sous l’impulsion de la communauté étrangère anglophone. Pas question de défilés: on se contente de projections, d’ateliers, de débats et d’expositions.

La presse officielle chinoise anglophone a réservé un accueil très favorable à l’événement, contrairement aux autorités de Shanghai, qui ont fait annuler une projection et une pièce de théâtre.

Logiciel de prévention, outil de censure

Retours de bâtons? L’avocat pékinois Li Fangping, grand défenseur des droits humains, s’offusque ces jours du projet chinois d’imposer la préinstallation d’un logiciel de prévention sur tout nouvel ordinateur vendu en Chine dès le 1er juillet. Il y voit un outil de censure supplémentaire, propre à museler la communauté LGBT. Or celle-ci prend déjà mille précautions.

Yang Guan est bien placé pour le savoir, lui qui anime des projets sociaux à l’Association LGBT de Pékin, ouverte il y a un an dans la capitale. Il est aussi le curateur de l’exposition «Difference – gender», premier événement artistique de Chine à se pencher spécifiquement sur la diversité sexuelle. Le vernissage est prévu dimanche 14 juin, à Songzhuang, à une heure de route du centre de Pékin. «Vu la distance et notre discrétion, je crois que nous ne serons pas inquiétés par les autorités.»

Pour Yang Guan, les pressions viennent davantage de la société que des autorités. «A la Saint-Valentin, notre association a organisé un happening à Qianmen, au coeur de Pékin. Nous avons distribué des roses aux passants, et deux couples – deux hommes, deux femmes – en habits de noce ont célébré un mariage symbolique. Ils se sont embrassés devant les caméras, ça s’est très bien passé, la presse a montré leurs baisers à la une le lendemain.»

Des films sur la communauté gaie

Pareils signes d’ouverture ne surprennent pas Yves de Matteis: «Il est de plus en plus facile de vivre son orientation sexuelle en Chine. Cependant, les revendications LGBT comme le mariage gay par exemple ou une véritable reconnaissance restent encore lettre morte.»

Cette reconnaissance, le cinéaste Popo Fan y travaille d’arrache-pied. Ses films documentaires se penchent sur la communauté gaie, le coming out, les pressions sociales. L’ennui, c’est qu’il est presque impossible de les diffuser en Chine.

«J’organise la semaine prochaine un festival de cinéma LGBT. On prévoit la projection d’une quarantaine de films. Mais je préfère ne pas vous donner trop de détails pour le moment. On n’est jamais trop prudent.»

Alain Arnaud, Pékin, swissinfo.ch

La Suisse, en tant que siège du deuxième centre mondial de l’ONU à Genève, pourrait jouer un rôle clé afin de défendre les droits des personnes LGBT (lesbienne – gaie – bisexuelle – transsexuelle) dans le monde. Mais elle est moins active que des pays comme la Suède, les Pays-Bas, l’Allemagne et, plus récemment, la France.

Cette prudence ou ce manque d’engagement sont souvent expliqués par le fait que la Suisse dispose de peu de moyens en matière de défense des droits humains au plan international. Mais la Suisse pourrait grandement aider le mouvement LGBT international en mettant par exemple à disposition des locaux à Genève afin de créer un secrétariat international des droits LGBT.

Sujet tabou depuis la création de la République populaire de Chine en 1949, les relations sexuelles entre personnes de même sexe n’ont été décriminalisées qu’en 1997.

Le comportement homosexuel a été considéré comme une maladie mentale jusqu’en 2001. Le quotidien China Daily estime à 30 millions le nombre d’homosexuels en Chine, soit moins de 3% de la population, dont environ 80% seraient mariés.

Les observateurs s’accordent pour constater que la tolérance envers la communauté LGBT a très fortement augmenté depuis 2001, en particulier auprès des populations citadines et estudiantines.

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