La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935
Les meilleures histoires
Démocratie suisse
Les meilleures histoires
Restez en contact avec la Suisse

Quand le climat et la guerre réveillent l’intérêt pour le nucléaire

La centrale nucléaire de Gösgen, dans le canton de Soleure, est l’une des trois encore en activité en Suisse.
La centrale nucléaire de Gösgen, dans le canton de Soleure, est l’une des trois encore en activité en Suisse. Keystone / Gaetan Bally

La catastrophe de Fukushima a poussé certains pays à abandonner l'énergie nucléaire. La Suisse est dans ce cas. Mais la nécessité d'assurer la sécurité énergétique ainsi que le réchauffement climatique remettent l'atome à l'ordre du jour de plusieurs gouvernements. À Berne notamment.

L’accident de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima en 2011 reste un des plus graves de l’histoire. Il a libéré de grandes quantités de radiations et forcé l’évacuation de plus de 150’000 personnes.

Cette catastrophe a marqué un tournant dans la politique énergétique de certains pays, découlant des réactions de leurs opinions publiques et de réévaluations de la sécurité des centrales existantes. La Suisse et l’Allemagne ont décidé d’abandonner progressivement le recours à l’énergie nucléaire. D’autres, comme la Belgique et Taïwan, ont réaffirmé leur intention de fermer leurs centrales.

Mais presque quinze ans après Fukushima, l’atome est à nouveau tendance. De nouvelles installations sont construites dans le monde. Plusieurs gouvernements, dont celui du Japon, entendent relancer leurs programmes de production d’énergie fondée sur l’atome.

Réacteurs endommagés à la centrale nucléaire de Fukushima, 20 mars 2011.
Réacteurs endommagés à la centrale nucléaire de Fukushima, 20 mars 2011. Keystone

Pourquoi certains pays reconsidèrent l’option nucléaire?

Les crises géopolitiques, de la guerre en Ukraine aux conflits au Moyen-Orient, remettent en question la sécurité de l’approvisionnement énergétique. Les pays importateurs de pétrole et de gaz ne peuvent plus compter sur leurs fournisseurs historiques et sont en quête d’alternatives. La Commission européenne, par exemple, veut interdire l’importation de gaz russe dans l’UE d’ici fin 2027.

La hausse de la consommation d’électricité constitue aussi un défi pour l’approvisionnement. Véhicules électriques, pompes à chaleur et centres de données requièrent de grandes quantités d’électricité que les sources renouvelables ne peuvent pas toujours couvrir de manière fiable.

S’ajoute à cela le changement climatique. Le nucléaire générant peu d’émissions de CO2 en regard des combustibles fossiles. L’Agence internationale de l’énergie nucléaire la considère comme un élément clé de la décarbonisation de la planèteLien externe.

Un récent rapportLien externe de l’Académie suisse des sciences naturelles (SCNAT) relève les avantages de l’énergie nucléaire: l’atome fournit une électricité à faible teneur en carbone, requiert peu d’espace et de matériaux par kilowattheure produit, et génère de l’énergie indépendamment des conditions météorologiques.

>> Affirmer que le nucléaire est une source d’énergie sans risque est une erreur, selon certains chercheurs:

Plus

Quels pays disposent de centrales nucléaires?

32 pays, environ un sur six dans le monde, produisent une partie de leur électricité grâce à l’énergie nucléaire. 439 réacteurs sont en service au total, selon les dernières statistiquesLien externe (juin 2025) de l’Association nucléaire mondiale (ANM).

La moitié ou presque de ces réacteurs sont situés aux États-Unis, en France et en Chine, également les principaux producteurs d’énergie nucléaire. À l’échelle mondiale, cette dernière fournit 9% de l’électricitéLien externe.

Contenu externe

La Suisse dispose de trois centrales nucléaires opérationnelles et quatre réacteurs (Beznau I et II, Gösgen et Leibstadt). En 2024, ils ont produit vingt-trois térawattheures ou 28% de la production nationale d’électricité.

Infographie
Kai Reusser / SWI swissinfo.ch

Quels pays construisent de nouvelles centrales nucléaires?

Vingt-quatre pays ont planifié de nouveaux réacteurs ou sont déjà en train de les construire, selon l’ANM. Rien qu’en Chine, septante-six nouvelles centrales seront opérationnelles dans les quinze prochaines années. Et l’Égypte, la Turquie et le Bangladesh construisent leurs premières centrales.

Une trentaine de pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, souhaitent tripler leur capacité de production d’énergie nucléaireLien externe d’ici 2050 dans le cadre de leurs efforts pour atteindre la neutralité carbone. Des pays en développement d’Asie et d’Afrique, le Rwanda et le Nigeria par exemple, envisagent également l’option nucléaire pour diversifier et accroître leur production d’électricité.

Contenu externe

Les objectifs climatiques ambitieux de l’UE ont amené des États membres comme la Belgique et l’Italie – qui avait déjà fermé ses centrales à la fin des années 1980 – à revoir leur précédente opposition à l’énergie nucléaire. En mai, la Belgique a officiellement annulé son plan de désengagement de cette énergie.

De son côté, l’Allemagne a mis hors service ses derniers réacteurs en 2023. Mais son nouveau gouvernement pourrait envisager un retour à l’atome. Le Danemark souhaite analyser les avantages potentiels des nouvelles technologies nucléaires et envisage de lever l’interdiction en vigueur depuis quarante ans.

Malgré Fukushima, le Japon a décidé de se tourner à nouveauLien externe vers l’énergie nucléaire pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions. L’atome pourrait également faire son retour à Taïwan, alors que le pays vient d’achever la sortie du nucléaire entamée en 2016. Un référendum national doit se tenir le 23 août sur la réactivation du réacteur de Maanshan, arrêté en mai dernier.

Les nouvelles centrales plus sûres que Fukushima?

Les centrales en construction dans le monde sont essentiellement de troisième générationLien externe et dix à cent fois plus sûres que les installations existantes, de deuxième génération principalement, affirme l’Académie suisse des sciences naturelles (SCNAT). Elles peuvent se refroidir automatiquement sans alimentation électrique externe, par exemple. À Fukushima, c’est la défaillance des systèmes de refroidissement qui a provoqué la fusion du cœur.

Quant aux réacteurs de quatrième générationLien externe, ils peuvent utiliser des combustibles alternatifs comme le thorium ou les déchets des anciennes centrales. Le refroidissement ne se fait plus à l’eau, mais avec des gaz ou des métaux liquides. Bien que prometteurs, ces réacteurs en sont encore au stade du prototype et d’«importantes incertitudes en termes de technologie et de rentabilité» demeurent, relève la SCNAT.

Mais l’aspect technique n’est pas seul en cause. Certains expertsLien externe soulignent l’importance de développer une solide culture de la sécurité et une coopération plus étroite entre les pays et leurs organismes de réglementation indépendants.

Contenu externe

La Suisse en course pour une nouvelle centrale?

Quelques semaines après Fukushima, le gouvernement suisse a élaboré la Stratégie énergétique nationale 2050. Elle prévoit la fermeture graduelle des centrales nucléaires existantes et l’interdiction d’en construire de nouvelles. Le peuple suisse a approuvé dans les urnes cette nouvelle politique en 2017.

Mais aujourd’hui, le débat sur l’énergie nucléaire est relancé en Suisse aussi.

Le gouvernement entend réviser la loi sur le nucléaire dans le cadre de son contre-projet à l’initiative populaire «Stop Blackout». Un texte qui demande l’autorisation de tous les types de production d’électricité respectueux du climat. Le gouvernement veut laisser la porte ouverte à de nouvelles centrales nucléaires si les énergies renouvelables ne devaient pas suffire à couvrir les besoins du pays en électricité.

«J’espère que sera éliminée de la loi fédérale sur l’énergie nucléaire l’interdiction d’utiliser cette énergie», a déclaré le 8 juillet dernier le conseiller fédéral Albert Rösti.

«J’espère que sera éliminée de la loi fédérale sur l’énergie nucléaire l’interdiction d’utiliser cette énergie.»

Albert Rösti, conseiller fédéral

Un rapportLien externe de 2023 émis par l’Energy Science Center de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) affirme que l’énergie nucléaire pourrait s’avérer une option pour assurer la sécurité énergétique dans un avenir à zéro émissions. Mais le calendrier et les coûts de construction de nouvelles centrales en Suisse restent flous.

Il faudrait au moins huit ans pour construire une nouvelle centrale nucléaire, affirme la SCNAT. À titre de comparaison, la construction de celle d’Olkiluoto en Finlande, inaugurée en 2023, a duré plus de seize ans. En Chine, Électricité de France a construit les deux réacteurs de la centrale de Taishan en neuf ans.

Quoi qu’il en soit, la construction serait précédée d’un long processus politique, souligne la SCNAT. Dans une démocratie semi-directe comme la Suisse, où le peuple a souvent le dernier mot, le projet pourrait échouer à plusieurs stades. Sans compter les probables oppositions au permis de construire.

«Toute décision sera accompagnée d’incertitudes à tous les niveaux: politique, économique et technique», juge Jochen Markard, chercheur à l’EPFZ et à la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW). Une nouvelle centrale ne devrait pas pouvoir être raccordée au réseau électrique suisse avant 2050, atteste la SCNAT.

Texte relu et vérifié par Gabe Bullard/vm, traduit de l’italien par Pierre-François Besson/dbu

Les plus appréciés

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision