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Affaire Sperisen: les deux témoins appelés à la barre ont peiné à convaincre

Erwin Sperisen, ici entre sa femme et son avocat Giorgio Campa, comparait libre à son procès devant la Chambre pénale d'appel et de révision de Genève. KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI sda-ats

(Keystone-ATS) Les deux enquêteurs de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) entendus mardi par la Chambre d’appel et de révision de Genève, dans le cadre du procès d’Erwin Sperisen, n’ont pas amené d’éléments nouveaux en faveur de l’accusation.

“Je ne sais pas qui a tué les sept détenus de la prison de Pavon”, a déclaré l’un des témoins. Ce policier espagnol a enquêté sur les assassinats de prisonniers commis lors de la reprise en main, en 2006, par les forces de sécurité guatémaltèques, de ce pénitencier, au sein duquel les détenus faisaient la loi depuis plusieurs années.

L’inspecteur de police espagnol a investigué pendant deux ans sur ces exécutions extrajudiciaires, qui ont été perpétrées alors qu’Erwin Sperisen était le directeur de la police nationale civile du Guatemala (PNC). Dans le cadre de ses recherches, l’ancien enquêteur de la CICIG a entendu près de 200 personnes.

A Pavon, sept détenus ont trouvé la mort. Selon l’accusation, ces prisonniers ont été froidement abattus par un commando occulte qui avait été créé par Erwin Sperisen immédiatement après avoir été nommé à la tête de la police nationale, en 2004. Lors de l’assaut à la prison, l’escadron de la mort a procédé à un “nettoyage social”.

Il devait être informé

Dans la mesure où Erwin Sperisen était le plus haut responsable de cette cellule secrète présent sur place, il devait savoir ce qui se passait, a estimé l’inspecteur de police espagnol. Ce dernier a en revanche dit ne pas disposer de beaucoup d’éléments mettant en évidence une participation active de l’accusé dans les exécutions.

Selon l’ancien enquêteur de la CICIG, il est établi qu’Erwin Sperisen était dans la propriété qu’un détenu s’était fait construire à l’intérieur de l’enceinte carcérale lorsque celui-ci a été abattu. Il était aussi là quand un homme retrouvé mort a été mis à l’écart des prisonniers rassemblés sur une place.

Le deuxième enquêteur de la CICIG a, pour sa part, témoigné sur l’exécution de trois prisonniers qui s’étaient évadés du pénitencier Infernito en 2005. Le Ministère public genevois accuse Erwin Sperisen d’avoir donner l’ordre à Victor Soto, l’un des membres du commando clandestin, de tuer ces personnes.

L’interrogatoire de l’enquêteur de la CICIG a porté essentiellement sur les relevés téléphoniques qui prouvaient le lien entre Erwin Sperisen et son subordonné avant les exécutions. Le témoin s’est montré très confus devant le tribunal. Il a dit avoir vu les données sur l’écran d’ordinateur d’un employé d’une compagnie téléphonique.

Il n’a en revanche jamais eu entre les mains ces fameux relevés téléphoniques. Ce volet de l’enquête n’était pas de son ressort, a-t-il fait savoir. Sa principale mission à la CICIG consistait à identifier et localiser les témoins qui pouvaient être utiles à l’avancement du dossier.

Un Etat corrompu

Erwin Sperisen a dirigé la police nationale du Guatemala de 2004 à 2007. Quand il est entré en fonctions, des organisations parallèles criminelles existaient déjà au sein de l’appareil étatique. L’une d’elles remontait directement au Ministère de l’Intérieur, a relevé le premier enquêteur de la CICIG venu témoigner.

A l’époque des faits reprochés à Erwin Sperisen, elle était dirigé par le Vénézuélien Victor Rivera. Ce sulfureux personnage, tué dans un attentat, s’occupait avec son équipe des affaires sensibles touchant l’élite du pays. Il a été soupçonné d’avoir trempé dans l’assassinat de trois parlementaires salvadoriens en 2007.

Le procès se poursuit mercredi après-midi avec le réquisitoire du premier procureur Yves Bertossa.

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