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Après l’accord, les Grecs entre soulagement et colère

(Keystone-ATS) Les Grecs ont accueilli lundi matin la nouvelle d’un accord à Bruxelles sur la dette et un nouveau programme d’aide international avec des sentiments contrastés. S’y mélangent du soulagement et un fort ressentiment, dirigé avant tout contre l’Allemagne.

Pour une frange importante du pays, qui n’hésite pas à convoquer les fantômes de la Seconde Guerre mondiale, l’arrangement de Bruxelles apparaît comme une cinglante défaite: le pays sort humilié des tractations et devra endurer de nouvelles mesures d’austérité.

Le premier ministre Alexis Tsipras doit désormais rentrer à Athènes avec la délicate mission de convaincre ses compatriotes du bien-fondé des réformes sur lesquelles les dirigeants européens et lui-même se sont mis d’accord au bout d’une négociation marathon conclue par une ultime nuit blanche.

Il devra aussi tenter de juguler la gronde au sein de son propre parti de gauche radicale, Syriza, et séduire une partie de l’opposition dans l’espoir de faire accepter un nouveau train de réformes. Avant même la publication des grandes lignes de l’arrangement, l’un de ses ministres l’a jugé “non viable” et a prédit la tenue d’élections anticipées dans les mois à venir.

Victoire à la Pyrrhus

Alexis Tsipras devra aussi convaincre le peuple grec, mis à l’épreuve par des années de récession, la fermeture récente des banques et le contrôle des retraits de liquidités.

“C’est une forme de victoire, mais une victoire à la Pyrrhus, car ces mesures sont très strictes”, se désolait lundi matin Marianna, une Athénienne de 73 ans. “Les Grecs ont souffert ces cinq dernières années et ce n’est pas fini. Voilà pourquoi la situation est difficile pour nous.”

“Je suis déçue”, dit Christina, employée dans une entreprise privée à Athènes. “Le gouvernement s’est d’abord montré très dynamique. Nous avions une lueur d’espoir. Nous nous attendions à de mauvaises nouvelles, mais c’est le pire qui s’est produit.”

Humiliation

Les quotidiens ont quant à eux fait leurs gros titres sur l’humiliation infligée, selon eux, à la Grèce par l’Allemagne, sous l’égide du duo formé par la chancelière Angela Merkel et son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble.

La presse s’est élevée en particulier contre la proposition du ministre allemand, finalement non retenue. M. Schäuble suggérait de prévoir une sortie temporaire de la Grèce de la zone euro, ce qui serait revenu, selon les journaux, à une expulsion définitive par la petite porte.

“La Grèce est à Auschwitz, Schäuble veut un holocauste en Europe”, peut-on lire dans Demokratia. Ce journal avait déjà publié un montage représentant Angela Merkel avec un brassard nazi.

“Les Allemands reviennent”

Les références à la Seconde Guerre mondiale et à l’occupation du pays par l’armée allemande entre 1941 et 1944 n’ont cessé de fleurir ces derniers mois dans les colonnes des journaux. “Il faut couler le pays, ordonne Wolfgang Schäuble”, écrit le quotidien de gauche Efimerida Ton Syntakton.

“Les Allemands reviennent, non plus grâce à la puissance de leurs blindés, mais grâce à celle de leur économie. Ils comptent imposer leur politique aux gouvernements d’une Europe censément unie”, ajoute ce journal.

Alexis Tsipras souligne à l’inverse que l’accord conclu lundi matin est en mesure d’empêcher une aggravation de la récession et d’écarter le risque d’un effondrement des banques grecques.

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