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Birmanie: des villages rohingyas rasés au bulldozer en Etat Rakhine

Près de 700'000 Rohingyas ont fui la Birmanie vers le Bangladesh voisin depuis août. KEYSTONE/EPA/ABIR ABDULLAH sda-ats

(Keystone-ATS) Plusieurs villages rohingyas incendiés ont été rasés au bulldozer ces derniers jours dans l’ouest de la Birmanie. Des ONG ont dénoncé une façon d’effacer définitivement toute trace de leur présence.

Sur des photos postées sur les réseaux sociaux par l’ambassadeur de l’Union européenne en Birmanie, Kristian Schmidt, on peut voir des zones entières passées au bulldozer. De ces villages brûlés pendant la campagne militaire débutée en août 2017, il ne reste plus rien. Même les arbres ont été abattus.

“Nous survolons davantage de villages détruits aux bulldozers… tant de vies à reconstruire”, a tweeté le diplomate avec ces photos prises depuis un hélicoptère lors d’un voyage organisé par les autorités birmanes.

“Il n’en reste plus rien”

L’armée birmane est accusée par l’ONU d’un nettoyage ethnique dans l’ouest du pays, d’où près de 700’000 Rohingyas ont fui depuis août vers le Bangladesh voisin. “Les Rohingyas sont sous le choc de voir que leurs villages ont été rasés”, a commenté Chris Lewa, du projet Arakan, ONG qui recense les mouvements migratoires des Rohingyas.

“Ils ont la sensation que l’on est en train de faire disparaître les dernières traces de leur présence dans cette région. Ce sont les terres de leurs ancêtres et il n’en reste plus rien”, explique-t-elle.

“Après la saison des pluies, il sera impossible de reconnaître l’endroit où l’on vivait puisque tout a été rasé”, a témoigné un réfugié auprès de l’association. D’après elle, certaines mosquées ont aussi été rasées, comme dans le village de Myo Thu Gyi.

Nouveaux plans de villages

Le ministre birman Win Myat Aye a expliqué à l’AFP jeudi que tout cela “faisait partie du plan pour le rapatriement”. “Nous mettons en place de nouveaux plans de villages” avant le retour du réfugiés, a-t-il assuré.

La situation est critique en Etat Rakhine, car la Birmanie et le Bangladesh n’ont pas pu tenir les délais pour assurer le retour de centaines de milliers de réfugiés Rohingyas en Birmanie.

Les premiers rapatriements étaient prévus le 23 janvier, en vertu d’un accord signé par les deux pays, considéré avec circonspection par les experts et les ONG. Ceux-ci estiment que les conditions ne sont pas réunies pour une résolution des tensions dans cet Etat et demandent que les rapatriements s’effectuent uniquement sur la base du volontariat.

Accord entre Dacca et le HCR

Le Bangladesh a annoncé lundi avoir signé un accord avec le Haut Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés (HCR) pour le faire participer à ce programme de retours, afin de ne pas être accusé de renvoyer contre leur gré des Rohingyas.

Le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères bangladais Shahriar Alam a appelé à la patience. Il a assuré que Dacca ne voulait pas renvoyer des réfugiés si c’était pour les voir revenir – comme ce fut le cas pour plusieurs programmes de retours dans le passé. Le Bangladesh “veut s’assurer que la situation en Birmanie est sûre et sans danger”, a-t-il déclaré.

L’armée birmane a reconnu que des soldats et des villageois bouddhistes avaient tué de sang-froid des captifs rohingyas, un premier aveu public de violation des droits de l’Homme après des mois de dénégations, qui reste cependant limité. L’accès libre à la zone reste interdit aux journalistes, rendant très difficiles les vérifications des accusations de meurtres, viols et tortures.

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