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Brésil: Lula se dit victime d’une “mascarade” judiciaire

Dans le camp anti-Lula, quelques dizaines de personnes ont manifesté, vêtues pour la plupart de maillots de l'équipe nationale brésilienne, derrière une grande poupée gonflable représentant Lula en uniforme de détenu. KEYSTONE/AP/DENIS FERREIRA NETTO sda-ats

(Keystone-ATS) “Ce procès est illégitime, c’est une mascarade”, s’est insurgé mercredi Luiz Inacio Lula da Silva lors d’une audience de près de cinq heures devant un juge anti-corruption. La rencontre est déterminante pour l’avenir politique de l’ex-président brésilien.

Arborant une cravate aux couleurs du Brésil, Lula, 71 ans, était à la barre pour se défendre d’accusations selon lesquelles il aurait reçu un appartement en triplex dans une station balnéaire en guise de pot-de-vin. “Je n’ai jamais sollicité et je n’ai jamais reçu le moindre appartement”, a assuré l’ancien ouvrier métallurgiste lors de l’interrogatoire, dans une vidéo à laquelle l’AFP a eu accès.

Un important dispositif de sécurité avait été déployé pour cette audience aux enjeux considérables. Cette dernière s’inscrit dans un procès qui pourrait enterrer les ambitions de retour au pouvoir de celui qui a présidé le Brésil de 2003 à 2010.

Lula répondait aux questions du juge Sergio Moro, jeune magistrat de 44 ans en charge de l’opération “Lavage-express”, qui a révélé un vaste réseau de corruption orchestré par des entreprises du bâtiment pour truquer systématiquement les marchés publics, notamment ceux du géant pétrolier étatique Petrobras.

Selon les procureurs, il aurait bénéficié de largesses à hauteur de 3,7 millions de réais (1,2 million de francs) de la part d’OAS, une société de BTP impliquée dans ce scandale.

“Preuves”

“Je ne veux pas être jugé sur des interprétations mais sur des preuves. Ils n’ont pas présenté le moindre document qui prouve que l’appartement m’appartient”, a lancé Lula quelques minutes après l’audience, lors d’un discours devant plusieurs milliers de militants.

Pendant l’interrogatoire, il a affirmé que ni lui, ni son épouse n’ont souhaité acheter l’appartement, à cause de “nombreux défauts” de fabrication. L’acte d’accusation affirme pourtant que Lula a bénéficié de largesses de la part d’OAS “à travers l’achat, la personnalisation et décoration” d’un triplex dans la station balnéaire de Guaruja de Guaruja (Etat de Sao Paulo, sud-est).

Au total, il est visé par cinq procédures judiciaires et les accusations concernant le pied-à-terre ne constituent qu’un seul volet de l’enquête.

“Massacré”

Le verdict n’est pas attendu avant plusieurs semaines. S’il est reconnu coupable et la décision confirmée en appel, Lula encourt une peine de prison et ne pourra pas se présenter à l’élection présidentielle de 2018.

Malgré les affaires, il est largement en tête des intentions de vote, bien que suscitant également un niveau élevé de rejet. “Je crois qu’il est innocent. S’ils avaient des preuves concrètes, ils l’auraient déjà arrêté. Ce procès est une lutte des classes”, a affirmé à l’AFP Gérson Castellano, syndicaliste du secteur pétrolier.

“Dans toute l’histoire, du Brésil, personne n’a jamais été autant massacré. Sans votre soutien, je n’aurais jamais supporté tout ce qu’ils ont fait avec moi”, a scandé Lula devant ses militants, lors d’un discours enflammé parfois rendu inaudible par les feux d’artifice.

Paix et tranquillité

Agitant des drapeaux rouges à l’effigie du Parti des travailleurs (PT), parti fondé par Lula en 1980, les militants ont été parqués dans le quartier de Boca Maldita (Bouche maudite, en portugais), près du centre historique, à environ cinq kilomètres du palais de justice.

Pour éviter tout incident, le camp anti-Lula était rassemblé dans un autre quartier de Curitiba, situé environ deux kilomètres plus loin. Quelques dizaines de personnes manifestaient, vêtues pour la plupart de maillots de l’équipe nationale brésilienne, derrière une grande poupée gonflable représentant Lula en uniforme de détenu.

“C’est un jour important parce qu’un ex-président a été appelé à venir ici car il est inculpé, il n’a pas été invité. Les gens honnêtes doivent se manifester”, a déclaré à l’AFP, Marli Resende, enseignante à la retraite de 59 ans.

Le président conservateur Michel Temer ne s’est pas prononcé directement sur le sujet, mais a déploré mercredi le fait que le pays soit dans un état de “conflit permanent”. Le gouvernement tente de passer des réformes impopulaires pour sortir le pays d’une récession historique.

“Nous avons besoin de paix, de tranquillité, pour que rien n’empêche le Brésil de continuer à travailler”, a déclaré le chef d’État lors d’une cérémonie officielle.

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