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Chefs de la police lucernoise acquittés: pas de négligence

Les juges n'ont pas suivi le procureur qui réclamait contre Adi Achermann (tout à gauche) et contre Daniel Bussmann (deuxième depuis la droite) une condamnation pour homicide par négligence (archives). KEYSTONE/URS FLUEELER sda-ats

(Keystone-ATS) La justice lucernoise acquitte le commandant de la police cantonale et le chef de la police criminelle. Les deux prévenus ne sont pas responsables du suicide d’une forcenée en mars 2016 à Malters (LU). Ils étaient accusés d’homicide par négligence.

Le jugement du tribunal de district de Kriens (LU), qui siégeait à Lucerne, a été rendu public mardi. Les deux prévenus ont utilisé la marge de manoeuvre dont la police doit pouvoir disposer, a indiqué le président du tribunal Killian Emmenegger.

Le juge a rappelé que la femme souffrait de problèmes psychologiques et qu’elle avait depuis des années une aversion envers la police. Elle refusait de retourner en clinique. Attendre encore avant d’intervenir aurait été possible, mais cela aurait comporté des risques importants, selon le tribunal.

Risques calculés

Pour le président du tribunal, le plan d’intervention de la police comportait des risques calculés et avait des chances de réussir. Il n’était pas possible de mettre fin à une situation dangereuse sans prendre de risque. La police doit pouvoir disposer d’une marge de manoeuvre.

Le procureur reprochait aux deux accusés, le commandant de la police lucernoise Adi Achermann et le chef de la police criminelle Daniel Bussmann, de ne pas avoir épuisé toutes les alternatives lorsqu’ils ont ordonné l’assaut sur le domicile de la forcenée. Cette dernière s’est alors suicidée.

Le tribunal a suivi l’avocat de la défense qui demandait l’acquittement. Il estimait que ses clients avaient agi de manière consciencieuse. Le procureur extraordinaire chargé de l’affaire, l’Argovien Christoph Rüedi, avait requis contre les deux prévenus des peines pécuniaires avec sursis de 240 jours-amendes à 1000 francs (240’000 francs).

Forcenée armée d’un revolver

Lors des audiences, les deux prévenus ont justifié leur décision de recourir à la force. La femme était armée d’un revolver et refusait tout contact, a expliqué le chef de la police criminelle. Il en a conclu qu’elle pourrait tirer sur des policiers.

La forcenée était considérée comme dangereuse en raison d’antécédents en Argovie et le psychologue présent sur place n’a pas pu lui conseiller de stratégie à suivre, a encore déclaré Daniel Bussmann. Le policier dit avoir tenté de contacter l’avocat de la femme, mais il n’a pas rappelé.

La plus grande crainte du chef de la police criminelle était que la femme se barricade et qu’il mette ainsi ses hommes en danger. Il a alors décidé d’intervenir en force.

Négociations dans l’impasse

Le commandant de la police Adi Achermann a expliqué aux juges que son implication dans cette décision n’a été que minime, mais qu’il a donné son accord chef de la police criminelle. Il ne l’aurait jamais fait si des variantes n’avaient pas été évaluées. Il partait du principe que les négociations avec la forcenée étaient dans l’impasse.

Le plan de la police consistait à téléphoner à la femme afin de l’attirer près de la porte d’entrée de l’appartement. Il était prévu de tirer un feu d’artifice dans la forêt toute proche afin de couvrir le bruit des policiers qui enfonçaient la porte. Le plan a échoué, car la porte a cédé prématurément alors que les policiers installaient un système hydraulique pour la faire sauter.

Après leur inculpation en janvier dernier, les deux policiers avaient affirmé avoir agi au mieux. Ils procéderaient à nouveau de la même manière si une situation analogue se présentait, avaient-ils encore ajouté.

Perquisition

L’affaire remonte au 8 mars 2016. Ce jour-là, la police lucernoise intervient dans un lieu-dit de la commune de Malters pour procéder à une perquisition de domicile. Elle soupçonne l’existence d’une plantation indoor de chanvre.

La mère du locataire, qui séjourne alors sur place, refuse de laisser entrer la police. Elle menace de tirer sur les policiers avec un revolver et tire deux coups de feu en l’air.

Après 19 heures de négociations et d’attente, la police décide de donner l’assaut. C’est à ce moment que la femme abat son chat avant de se donner la mort.

Le fils de la forcenée était alors en détention préventive. Il a porté plainte contre la police pour abus de pouvoir et homicide par négligence.

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