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Covid: l’Appel de Genève a dialogué avec près de 100 groupes armés

L'Appel de Genève a multiplié les dialogues avec les groupes armés ces derniers mois sur la question du Covid-19 et a été approché par des entités séparatistes du Nagorny Karabakh depuis la reprise des violences avec l'Azerbaïdjan dans cette région (archives). KEYSTONE/AP sda-ats

(Keystone-ATS) L’Appel de Genève, qui fête ses 20 ans cette année, a dialogué rapidement avec 97 groupes armés dans le monde après le début de la pandémie de coronavirus. Selon lui, beaucoup de commandants ont “compris qu’ils n’avaient pas intérêt à profiter de la crise”.

Parmi les acteurs avec lesquels l’Appel de Genève est en contact, seul le dialogue avec les rebelles Houthis au Yémen et des groupes libyens en raison de l’intensification des violences a été plus difficile à établir récemment. Mais le lien reprend avec les Houtis.

“Au début de la crise, les commandants ont vu le Covid-19 comme un avantage” pour obtenir des avancées militaires, explique le directeur exécutif de l’ONG Alain Délétroz dans un entretien avec Keystone-ATS. “Nous avons dû les convaincre que c’était dangereux pour eux” et ils l’ont compris, affirme-t-il.

Décentralisation payante

Depuis le début de la pandémie, l’Appel de Genève a aussi déployé des panneaux pour que les recommandations face au Covid-19 soient saisies partout. “Nous avons eu un succès énorme et le plus beau d’entre eux a été auprès des talibans”, insiste le directeur exécutif. Le mouvement islamiste afghan est très articulé et “connaît bien le DIH”.

Pour l’organisation, la crise aura validé le choix fait il y a quelques années de décentraliser l’institution en ouvrant des bureaux dans les pays où se trouvent les groupes avec lesquels elle dialogue. “Nous ressortons avec une présence renforcée sur le terrain et un accès renforcé” aux acteurs.

De quoi montrer aux donateurs la valeur ajoutée de l’institution qui peut oeuvrer de manière plus discrète que certaines grandes entités internationales, selon M. Délétroz. La crise financière à laquelle l’ONG a dû faire face est presque absorbée.

Déficit presque épongé

Le déficit devrait être épongé en fin d’année, avant le délai prévu pour fin 2021. L’approche décentralisée devrait se poursuivre et M. Délétroz souhaite que les directions régionales soient exportées de Genève vers les zones dans lesquelles elles sont actives.

Parmi les différentes situations, l’Appel de Genève avait été en contact en 2007 avec des groupes armés du Nagorny Karabakh. Ces derniers l’ont à nouveau approchée depuis la reprise des violences fin septembre.

Au Yémen, le groupe autonomiste du Conseil de transition du sud (STC) a été récemment critiqué par les enquêteurs indépendants de l’ONU qui l’accusent de crimes de guerre pendant la pandémie. Il avait pourtant signé l’année dernière des engagements auprès de l’Appel de Genève sur les mines antipersonnel, les enfants dans le conflit, les violences sexuelles, ainsi que pour faciliter l’éducation et l’assistance médicale.

M. Délétroz explique que le suivi ne peut porter que sur les Actes signés. Il observe plus largement que les violations des groupes armés sont souvent liées aux violences sexuelles. “C’est l’attaque la plus facile et elle est difficile à vérifier, dit-il.

Libération d’otages

Parmi les succès récents, l’Appel de Genève a contribué à faire libérer en 48 heures des otages en République démocratique du Congo (RDC). Et à débloquer une assistance humanitaire dans des camps de réfugiés dans divers pays.

Cette situation montre que l’impact de l’ONG ne doit pas se mesure seulement au nombre d’Actes d’engagement signés auprès d’elle et du Canton de Genève, mais aussi aux effets indirects, affirme le directeur exécutif.

L’Appel de Genève a aussi décidé de ne pas valoriser son nouvel Acte sur la protection des missions médicales pendant la pandémie de Covid-19 parce qu’il n’était pas possible de garantir un suivi. Une Déclaration unilatérale a été établie.

La Colombie ciblée

Pour le directeur, les chantiers en 2021 porteront notamment sur la Colombie, où le bureau de l’ONG doit rouvrir et où des massacres ont été menés récemment. Alors qu’il faut en moyenne deux ans de dialogue pour aboutir à un Acte d’engagement, aucun groupe de ce pays n’en a signé un en seize ans d’efforts.

M. Délétroz souhaite aussi une approche sur le Sahel, alors que l’ONG est présente au Mali. L’Appel de Genève a des contacts avec des entités liées à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), responsable de l’exécution récente d’une otage bâloise.

Pour autant, “nous ne sommes pas avec eux dans une relation où nous pouvions soulever un sujet aussi délicat”, dit M. Délétroz. Parmi les problèmes, les groupes deviennent eux beaucoup plus volatiles.

L’Appel de Genève aura également lutté contre la nouvelle loi antiterroriste que les Chambres fédérales viennent d’adopter et sur laquelle les Suisses devront peut-être se prononcer. Pour éviter un impact important pour les organisations humanitaires, une exception sur les modifications sur le soutien aux organisations terroristes a été obtenue.

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