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Découverte d’un des plus grands champs de dispersion de météorite

Beda Hofmann présente les fragments de météorites de la montagne de Douanne (BE) au musée d'histoire naturelle de Berne. La "Douanne" est l'une des plus grandes météorites ferreuses d'Europe. KEYSTONE/PETER SCHNEIDER sda-ats

(Keystone-ATS) Des chercheurs du Musée d’Histoire naturelle et de l’Université de Berne ont découvert environ 600 fragments de la météorite de la montagne de Douanne (BE). Le champ de dispersion est l’un des plus grands d’Europe. Cette découverte pose aussi une énigme.

La météorite de la montagne de Douanne (le Twannberg) est tombée il y a environ 160’000 ans sur la Terre. Elle a explosé en centaines de morceaux dans l’atmosphère.

Lors de campagnes de recherche, sous la direction de Beda Hofmann du musée d’histoire naturelle de Berne, les chercheurs et les collectionneurs de météorites ont identifié le champ de dispersion.

Quelque 600 fragments ont été trouvés. Les experts estiment qu’il en existe un millier. Pour la première fois et grâce aux fragments, l’événement peut être compris, ont indiqué jeudi les responsables lors d’une conférence de presse au musée à Berne.

Prédire les collisions

“Grâce aux découvertes, nous pouvons reconstituer la taille, la direction et l’angle d’entrée”, a expliqué M. Hofmann à l’ats. Il devient ainsi possible de comprendre ce qui se passe lors de l’entrée dans l’atmosphère et de mieux prédire l’effet qu’aurait un tel objet s’il touchait la Terre après une collision.

Mais il s’agit en premier lieu d’une découverte sensationnelle pour la Suisse, selon M. Hofmann. “Nous avons presque une liaison directe avec l’univers devant notre porte.”

L’examen du champ de dispersion est encore en cours, mais une chose est déjà sûre: il est très vaste. La zone actuelle identifiée s’étend sur une longueur de 5 kilomètres au nord du lac de Bienne, mais il est possible que le champ atteigne 15 kilomètres. Il figure parmi les trois plus importants champs de dispersion connus en Europe.

Les études physiques suggèrent que la météorite avait un diamètre de l’ordre de 6 à 20 mètres; ce qui correspond à une masse de 1000 à 30’000 tonnes.

Météorite ferreuse rare

La météorite est d’un type extrêmement rare, peut-on lire dans le communiqué du musée. Son taux de nickel est caractéristiquement bas, alors que celui de phosphore est élevé. Sur 54’000 trouvailles, dont 1136 météorites ferreuses, seuls cinq objets de cette catégorie sont recensés dans le monde. Celle de Douanne pourrait être l’une des plus grandes, voire la plus grande de ce type connue.

Les météorites sont des fragments d’astéroïdes. Avant sa chute sur la Terre, la météorite de Douanne a voyagé entre 240 et 250 millions d’années dans le système solaire et a fait plusieurs millions de fois le tour du soleil, a souligné Ingo Leya, professeur à l’Université de Berne, impliqué dans l’analyse.

Il s’étonne de la longévité de la météorite dans le climat européen. D’habitude, les météorites sont découvertes dans l’Antarctique ou dans le désert, où elles peuvent, grâce au climat, survivre plus longtemps.

Enigme de longévité

Grâce à des isotopes radioactifs et à des indices géologiques, M. Leya a pu, avec des chercheurs de Dresde (D), dater la chute: il y a 100’000 à 200’000 ans. Cela fait de la météorite de Douanne l’une des plus anciennes en Europe, en rapport au temps qu’elles ont passé sur Terre. Même en comparaison avec les météorites trouvées dans le désert, c’est relativement vieux.

M. Leya ne peut que spéculer sur la raison de sa conservation. “L’échange d’oxygène a probablement été réduit parce que les fragments se trouvaient sous terre. De plus, la ‘Douanne’ contient relativement beaucoup de phosphore qui aurait créé une couche protectrice à la surface et freiné la ‘décomposition'”, suppose le chercheur.

Découverte unique

En Suisse, seules huit météorites sont connues. Celle de Douanne est la seule dont on connaît plus d’un morceau. Le premier fragment a été découvert par la paysanne Magrit Christen, alors qu’elle ramassait des cailloux dans un champ. Cette pierre, “étonnamment” rouillée et lourde, avait attiré son attention.

En 2000, Marc Jost, un menuisier, a découvert un deuxième exemplaire dans le grenier d’une vieille maison de Douanne. Le fragment a probablement été trouvé plus tôt, entreposé à cet endroit puis oublié.

M. Jost et d’autres collectionneurs ont découvert, au cours des années, d’autres morceaux, mais l’endroit et l’étendue du champ de dispersion restaient incertains. De nombreux fragments ont été charriés par les cours d’eau et les glaciers lors de la dernière période glaciaire.

Non loin du lieu de la première découverte, Marc Jost en fit une nouvelle, importante. Dès lors, Beda Hofmann a décidé de mener des campagnes ciblées, afin de déterminer l’étendue du champ de dispersion.

Plus d’une centaine de fragments trouvés depuis peuvent être observés dès le 19 août au Musée d’Histoire naturelle de Berne. L’exposition “La météorite du Twannberg – Les aventuriers du trésor” est consacrée aux connaissances actuelles et aux chasseurs de météorites.

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