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De matériau classique, le bois se transforme en ressource du futur

Le potentiel insoupçonné du bois peut être appliqué dans d'autres domaines que la construction, comme la chimie organique (image symbolique). Keystone/GIAN EHRENZELLER sda-ats

(Keystone-ATS) Le bois, ressource traditionnelle, se propulse à l’avant-garde des matériaux high-tech. Des chercheurs suisses se sont attachés à démontrer pendant cinq ans son potentiel innovant: le bois pourrait remplacer le pétrole dans la chimie et le béton dans la construction.

“Le bois connaît une renaissance incroyable”, a assuré mardi devant les médias à Berne Andrea Frangi, de l’EPF Zurich, lors de la présentation du programme national de recherche “Ressource bois” (PNR 66). “Et la Suisse est la Mecque de la construction en bois.” L’industrie de la construction restera le premier utilisateur de ce matériau qui a décidément encore de beaux jours devant lui.

Arrivé à terme fin 2016, le PNR 66, devisé à 18 millions de francs, a mobilisé pendant cinq ans une trentaine d’équipes de recherche helvétiques, et 126 scientifiques au total. Le programme avait pour objet de faire souffler un renouveau sur l’utilisation du bois suisse et pointer les manques en la matière. Trois start-up nées de cette initiative sont aujourd’hui prêtes à en combler quelques-uns.

Des robots et du béton

Le bois du futur sera taillé sur mesure, a souligné Fabio Gramazio, qui a développé avec son équipe à l’EPF Zurich un système assisté par un robot pour la construction. Grâce à un logiciel, des bras robotisés assemblent des pièces de bois ouvragées, qu’ils peuvent aussi personnaliser une à une.

Certains chercheurs ont également travaillé sur des stratégies pour protéger le bois. Alke Fink, de l’Institut Adolphe Merkle, a étudié si l’imprégnation de nanoparticules pouvait offrir une protection contre les moisissures. Tanja Zimmerman, du Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa), s’est elle penchée sur l’usage de nanofibrilles de cellulose comme revêtement protecteur.

Le bois peut même être employé de manière autre que sous la forme de bâtons, de poutres ou de structures montées plus complexes dans la construction. Daia Zwicky, de la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg, a développé un béton très léger en remplaçant une partie du sable par de la sciure.

Pour produire de l’éthanol

Les domaines d’application du bois ne s’arrêtent pas là. Le potentiel insoupçonné de ce matériau se retrouve dans d’autres disciplines que la construction.

Basée principalement sur le pétrole et le charbon, la chimie organique doit s’adapter à l’épuisement des ressources fossiles, rappelle le Fonds national suisse (FNS) dans un communiqué. Or la biomasse végétale constitue une alternative réaliste, comme le démontrent une série de projets du PNR 66.

Des équipes basées aux EPF de Lausanne et Zurich ainsi qu’à la Haute école spécialisée de la Suisse du Nord-Ouest (FHNW) ont conçu des procédés pour transformer les principaux composants du bois – la cellulose et la lignine – en composés aromatiques et d’autres produits intermédiaires importants pour l’industrie chimique.

Michael Studer, de la Haute école bernoise, a réussi avec son équipe à améliorer les processus de fermentation du hêtre pour la production d’éthanol, un carburant courant. Une usine de production pilote est en cours de discussion dans le canton du Jura avec un partenaire industriel et un fournisseur de bois, a-t-il indiqué.

Un meilleur parti à tirer

Tout le potentiel du bois n’est de loin pas utilisé en Suisse, selon les participants au PNR 66. Et ceci même au niveau des récoltes, qui sont tombées dernièrement de 7 millions de mètres cube par an à 4,5 millions seulement, alors qu’environ 10 nouveaux millions de mètres cube poussent chaque année.

L’exploitation et l’utilisation du bois permet d’épargner aujourd’hui à la Suisse 2,2 millions de tonnes d’émissions de CO2. On pourrait faire progresser ce chiffre de 0,9 million de tonnes en employant ce matériau de façon plus durable, d’après les scientifiques, qui n’hésitent pas à appeler le bois “l’énergie renouvelable la plus importante de Suisse”.

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