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De nouvelles mesures contre le mariage forcé restent nécessaires

La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a évoqué mardi la poursuite des mesures contre le mariage forcé (archives). KEYSTONE/URS FLUEELER sda-ats

(Keystone-ATS) La lutte contre les mariages forcés continue. Le Conseil fédéral y consacrera 800’000 francs ces quatre prochaines années. Cette somme sera versée à une ONG qui servira de centre de compétences. Le gouvernement va aussi voir si la législation doit être durcie.

Le Conseil fédéral a publié son bilan mardi à l’occasion d’un séminaire sur la question. Depuis juillet 2013, les mariages forcés ne sont non seulement plus acceptés mais aussi annulés d’office en Suisse. Un mariage est considéré comme tel s’il a été conclu en violation de la libre volonté d’un des époux ou si l’un d’eux est mineur.

Aucune exception n’est prévue, même lorsque des enfants sont en jeu ou lorsque la victime veut finalement maintenir l’union. Les mariages de personnes de moins de 18 ans ne sont pas acceptés, même si le droit de leur pays d’origine le permet.

Les sanctions pénales ont également été renforcées. La personne qui, par la menace ou la violence, en oblige une autre à contracter une union est punie d’une peine allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement ou d’une peine pécuniaire. La poursuite n’est pas limitée dans le temps et se rendre à l’étranger ne permet pas d’y échapper.

Nouvelle évaluation

A la demande du Parlement, le Conseil fédéral va évaluer si d’autres mesures sont nécessaires. Il s’agira notamment de savoir si la clause de nullité du mariage lorsqu’une personne est mineure est suffisante.

Le gouvernement se penchera aussi sur les unions conclues à l’étranger. Les auteurs d’une évaluation externe demandent en outre d’examiner si des mesures sont nécessaires pour l’accompagnement à long terme des victimes.

Les mariages forcés restent un problème. Dans le cadre du programme fédéral de lutte, 905 cas ont été signalés entre début 2015 et fin août 2017 dont 397 pour la seule année 2016. Et tous les cas n’ont vraisemblablement pas pu être recensés.

La grande majorité des victimes (83%) sont des femmes. Près d’un tiers (28,4%) sont des mineurs de moins de 18 ans. Il s’agit dans de nombreux cas de personnes ayant un permis B ou C, mais la proportion de Suisses n’est pas négligeable.

Les pays d’origine les plus fréquents sont le Kosovo, le Sri Lanka, la Turquie, l’Albanie et la Macédoine. Le nombre de cas de personnes venant d’Afghanistan et de Syrie a augmenté.

Travail de longue haleine

La lutte contre les mariages forcés ne peut être couronnée de succès que si la Confédération, les cantons et les communes, les institutions du secteur public et les organisations non gouvernementales (ONG) s’y consacrent tous durablement, note le Conseil fédéral dans son rapport.

Le programme fédéral de quatre ans, initié en 2013 avec un budget de deux millions, a permis de financer une quarantaine de projets. Des ateliers de prévention ont été organisés dans les écoles et lors de rencontres destinées à la jeunesse. Une formation continue a été dispensée à plusieurs spécialistes du social, de l’école ou de la police.

Efforts à faire

Des efforts restent encore à faire. Contrairement à la Suisse alémanique, il n’existe pas en Suisse latine de service spécialisé interrégional disposant d’une expertise spécifique dans le conseil et la prise en charge notamment de cas complexe. La couverture nationale reste déficitaire.

Dans neuf cantons, en particulier de Suisse centrale et orientale, qui représentent ensemble 9% de la population, aucune activité n’a été entreprise. Dans les cantons fortement peuplés de Berne et Zurich, les activités se sont concentrées sur les villes principales et les services cantonaux n’ont pas été systématiquement impliqués.

La Confédération n’entend plus s’engager en finançant directement des activités locales mais en soutenant le Service contre les mariages forcés pour les années 2018 à 2021. Cette ONG qui dispose d’une longue expérience de conseil a été choisie à l’issue d’un appel d’offres public.

Sa mission sera d’accompagner les cas complexes qui ne peuvent être traités exclusivement sur place et de mettre à disposition des acteurs locaux des connaissances spécialisées (publications ou formation continue par exemple).

Le centre devra aussi mettre en oeuvre des activités destinées à sensibiliser les professionnels, les groupes-cible et l’opinion publique. Outre les 800’000 francs prévus à cet effet, la Confédération maintiendra au Secrétariat d’Etat aux migrations un poste dévolu à l’échange d’informations et de connaissances.

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