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Des eaux plus froides après la fermeture de Mühleberg

L'arrêt de la centrale de Mühleberg aura des effets non négligeables sur l'Aar, le lac de Bienne et le Rhin, selon cette étude (archives). KEYSTONE/ALESSANDRO DELLA BELLA sda-ats

(Keystone-ATS) Une étude de l’EPFL a évalué les conséquences sur l’Aar et le lac de Bienne de l’arrêt en 2019 de la première centrale nucléaire de Suisse, Mühleberg (BE). Le refroidissement des eaux pourrait se ressentir jusqu’en Allemagne.

Parue dans la revue Water Resources Research, cette étude a permis d’identifier pour la première fois les conséquences de la fermeture d’une centrale nucléaire suisse sur la physique des rivières et du lac qui l’entourent. La méthode utilisée peut servir à dresser un bilan similaire auprès des autres centrales du pays, a indiqué mardi l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) dans un communiqué.

Estimée par les scientifiques à une baisse moyenne de 0,3 degré, cette légère chute de température devrait retarder l’impact du réchauffement climatique au niveau local. Les entreprises proches de la centrale qui se servent des eaux de l’Aar et du Rhin pour refroidir leurs machines pourraient même en bénéficier.

“Une centrale nucléaire a un fort impact sur son environnement”, rappelle Love Råman Vinnå, premier auteur de l’étude et doctorant au Laboratoire de physique des systèmes aquatiques, cité dans le communiqué. “Actuellement, environ 70% de la chaleur produite par la centrale de Mühleberg est rejetée dans l’Aar. Les 30% restants sont transformés en électricité”, poursuit le spécialiste.

Savoir à quoi s’attendre

Une variation locale rapide de température est un facteur de stress pour les poissons et elle peut changer la composition du plancton. D’où l’importance d’effectuer au préalable des mesures au niveau local pour savoir à quoi s’attendre lors de la fermeture d’une centrale.

L’étude se base sur un travail de terrain de deux ans et quatre mois sur le lac de Bienne, effectué de 2013 à 2015. A l’aide de capteurs fixés sur des cordes plongées jusqu’aux tréfonds du lac, le chercheur a mesuré sur trois sites plusieurs données en continu, dont la température des eaux à différentes profondeurs et la vitesse des courants.

En complément, il a récolté les données de MétéoSuisse sur la région (températures, vents, pluies) et intégré les informations livrées par le groupe BKW/FMB Energie, qui gère la centrale de Mühleberg, notamment la quantité de chaleur émise par la centrale – environ 700 mégawatts – ainsi que des données liées à sa fermeture estivale.

Prédiction précise

Le doctorant a ensuite adapté à Mühleberg un modèle théorique résolvant l’évolution temporelle de l’hydrodynamique des lacs, c’est-à-dire l’évolution de la température et des courants dans le lac, en 1D et en 3D.

“Nous avons d’abord comparé nos mesures réelles effectuées sur le lac avec celles données par notre modèle en 1D, un outil intéressant car peu coûteux et rapide. Il est toutefois moins précis que le modèle en 3D, dont les résultats étaient très proches des mesures prises sur le terrain”, précise Love Råman Vinnå.

Sur la base de ce modèle théorique, le chercheur a pu effectuer une prédiction précise des conséquences de la fermeture de la centrale sur le lac de Bienne. Parce que les eaux du lac se renouvellent tous les deux mois, le “cas Mühleberg” est relativement simple à traiter, selon le chercheur.

C’est d’ailleurs ce qui rend les résultats des modèles 1D et 3D relativement proches dans son étude: selon leurs prédictions, une baisse moyenne de 0,3 degré sur tout le lac surviendra dès 2019 avec des variations locales allant jusqu’à moins 4 degrés durant l’hiver, dans les cas extrêmes montrés par le modèle 3D.

Une baisse de température qui pourrait se répercuter jusqu’en Allemagne, sachant qu’actuellement environ 150 mégawatts émis par la centrale perdurent sur 350 kilomètres au-delà du lac de Bienne.

Utile aux services des eaux potables

La thèse du chercheur a reçu le soutien d’Energie Service Biel/Bienne, en charge de l’approvisionnement en eau, gaz et électricité de la population biennoise et du Seeland. Le service a souhaité connaître la future configuration du lac au-delà de 2019 pour en repérer les zones les plus propres et les plus fraîches.

L’EPFL a pu lui fournir une liste de recommandations sous forme de carte. Love Råman Vinnå prépare en outre une publication sur les effets à attendre dans le contexte du réchauffement climatique.

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