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Divulguer des informations secrètes devrait moins poser problème

Le projet veut exempter de poursuites les publications auxquelles aucun intérêt impératif au maintien du secret ne s'oppose (image symbolique). Keystone/EPA/VASSIL DONEV sda-ats

(Keystone-ATS) Les journalistes divulguant des documents secrets ne devraient plus forcément subir les foudres de la justice. Le National a approuvé mercredi par 177 voix sans opposition un projet visant à modifier le code pénal. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.

Il s’agit ici de protéger la liberté d’opinion, en supprimant une punition spécialement dirigée contre les journalistes, a expliqué Viola Amherd (PDC/VS). Le droit en vigueur vise plutôt à protéger la sphère privée des autorités qu’à tenir secrets des documents de très haute importance, a ajouté Philippe Bauer (PLR/NE).

L’article 293 du code pénal punit de l’amende celui qui publie, totalement ou en partie, un acte, une instruction ou un débat tenu secret par la loi. Idem pour une décision prise par une autorité dans les limites de sa compétence. Le juge peut renoncer à la peine si le secret est de peu d’importance.

Le projet de la commission des affaires juridiques du National vise à exempter de poursuites les publications auxquelles aucun intérêt impératif au maintien du secret ne s’oppose. L’acte n’est dès lors pas punissable et le juge doit acquitter le prévenu, alors qu’actuellement il ne peut que l’exempter d’une peine.

Cette modification prévoit que les tribunaux tiennent compte du contenu des documents publiés et que les juges se fondent sur plusieurs critères lorsqu’ils pèsent les intérêts en jeu, a souligné la ministre de la justice Simonetta Sommaruga, pointant la pertinence du projet. “Le Conseil fédéral salue cette proposition qui semble honorer toutes les parties en présence.”

Pesée des intérêts

Les juges devront par exemple distinguer entre une contribution au débat sur un sujet d’intérêt public et le simple fait de provoquer un scandale inutile. Les intérêts concrets au maintien du secret devront être analysés. La manière dont le journaliste a obtenu les informations et la façon dont il les a publiées devront également être prises en considération.

Avant le vote, plusieurs élus ont dit vouloir purement biffer l’article 293. Celui-ci va à l’encontre de la Convention européenne des droits de l’homme, a rappelé Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE). “Une simple modification créerait une insécurité juridique, car les journalistes devraient faire eux-mêmes une pesée des intérêts avant de publier.”

Le Conseil fédéral s’oppose à une telle suppression. En permettant la poursuite de certains actes, on préserve le processus de formation de la volonté des autorités et on garantit que les parties à une procédure resteront protégées contre la divulgation d’informations susceptibles de leur nuire, a indiqué Mme Sommaruga.

Premier essai en 1996

En 1996, le Conseil fédéral avait pourtant lui-même proposé de biffer l’article controversé, jugeant choquant qu’un journaliste soit condamné, alors que le parlementaire ou le fonctionnaire à l’origine de la fuite échappe souvent à toute poursuite. Mais le Parlement avait refusé de suivre.

En 2011, le Tribunal pénal fédéral avait acquitté un journaliste, estimant que le secret publié – un document dans l’affaire Ramos – était de peu d’importance.

L’abrogation ou la modification de l’article 293 ne signifierait pas la fin de toutes les sanctions pour violation de secret. D’autres dispositions subsisteraient pour punir l’auteur d’une fuite, celui qui aurait usurpé l’exercice d’une fonction dans un dessein illicite et celui qui aurait publié des relevés d’établissements militaires ou d’objets intéressant la défense nationale.

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