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Election inachevée au Kenya, où la tension reste forte

La colère gronde dans les bastions de l'opposition au Kenya. Les Kényans redoutent une répétition des violences interethniques de 2007 (archives). KEYSTONE/EPA/DAI KUROKAWA sda-ats

(Keystone-ATS) Le report à une date indéterminée de l’élection présidentielle kényane dans les bastions de l’opposition éloigne le spectre de nouvelles violences. Il pose la question de la validité du scrutin de jeudi, plus de 20 circonscriptions sur 290 n’ont pas pris part au vote.

Le chef de l’Etat a remporté plus de 97% des suffrages exprimés, d’après les décomptes effectués samedi par les médias de Nairobi. Mais avec un taux de participation inférieur à 35% et face à un pays profondément divisé, son espoir d’obtenir un mandat clair pour diriger la première économie d’Afrique de l’Est s’est évanoui.

L’élection du 26 octobre devait remplacer celle du 8 août, remportée par Uhuru Kenyatta mais invalidée le 1er septembre par la Cour suprême pour cause d’irrégularités. Mais le chef de l’opposition Raila Odinga a appelé au boycott de ce nouveau scrutin pour protester contre l’absence de garanties d’équité. Il avait remporté 44,7% des voix lors de l’élection du mois d’août, marqué par un taux de participation de près de 80%.

“Le peuple est suprême”

Dans un tweet posté samedi, le vice-président kényan a cherché à revendiquer la victoire et à discréditer l’opposition. “La nouvelle élection confirme que le peuple est suprême.”

Le chef de la Commission électorale Wafula Chebukati a annoncé qu’une décision sur la tenue de ce vote serait prise rapidement. “Nous informerons le pays demain (dimanche) sur la marche à suivre dans ces 25 circonscriptions” sur les 290 que compte le pays, a-t-il déclaré à la presse.

Interrogé pour savoir si le résultat de la présidentielle serait annoncé sans que le vote soit organisé dans l’ouest, l’un des membres de la Commission, Abdi Guliye, a déclaré à la presse que “la réponse à cette question viendrait en temps voulu”. “Nous avons encore quelques jours avant de prendre cette décision”.

Un premier recours a été déposé dès vendredi par un militant pour faire annuler l’élection. Les Kényans redoutent une répétition des violences interethniques de 2007 qui avaient fait plus de 1200 morts et 600’000 déplacés après le refus d’Odinga de reconnaître sa défaite à la présidentielle face au prédécesseur d’Uhuru Kenyatta, Mwai Kibaki.

Déconnectés

Comme en 2007 et 2013, les partisans d’Odinga, membre de l’ethnie Luo, ont le sentiment de s’être fait voler l’élection par les Kikuyu. Cette ethnie a fourni trois des quatre chefs de l’Etat depuis l’indépendance en 1963, dont Uhuru Kenyatta.

La colère gronde dans les bastions de l’opposition situés dans l’ouest du pays autour de Kisumu, ainsi que dans les bidonvilles de Nairobi et la ville côtière de Mombasa. “Les gens de cette région (l’Ouest, NDLR) se sentent isolés du reste du pays”, a déclaré Eric Chitayi, un garde de sécurité travaillant à Kisumu. “On se sent déconnectés.”

Dans les bastions de l’opposition, des violences ont encore éclaté vendredi soir. Elles ont fait au moins neuf morts depuis jeudi, selon un nouveau bilan. Vendredi soir, un jeune homme a été tué par balle par la police à Homa Bay (ouest), a rapporté un responsable policier.

Ce nouveau décès porte à au moins 49 le nombre de personnes mortes depuis l’élection invalidée du 8 août, tuées pour la plupart dans la répression brutale des manifestations par la police.

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