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EPFL: avancée dans la reprogrammation des souvenirs traumatisants

Coupe du gyrus denté d'une souris avec en vert un neurone activé lorsque l'animal se remémore un souvenir traumatisant datant d'un mois auparavant. EPFL sda-ats

(Keystone-ATS) Des neuroscientifiques de l’EPFL ont localisé les cellules permettant de reprogrammer des souvenirs durables d’expériences traumatiques en souvenirs de sécurité, une première. L’étude est publiée dans la revue Science.

Les souvenirs d’expériences choquantes peuvent être à l’origine de problèmes mentaux comme le trouble de stress post-traumatique, a indiqué jeudi l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) dans un communiqué. Près d’un tiers de la population présente des troubles liés à la peur ou au stress à un moment ou un autre de sa vie.

“Nos découvertes ont permis, pour la première fois, de mettre en lumière les processus à la base du succès du traitement des souvenirs traumatisants”, explique Johannes Gräff, professeur à la Faculté des sciences de la vie, cité jeudi dans un communiqué.

Dans ce domaine, une question fait depuis longtemps débat, celle de savoir si l’atténuation de la peur passe par la suppression de la trace d’origine dans la mémoire et son remplacement par une nouvelle trace de sécurité, ou alors par une réécriture de la trace originelle. Bien qu’ils n’excluent pas la suppression, les résultats de cette étude tendent vers la seconde hypothèse.

La recherche dans ce domaine se concentre sur la compréhension de la capacité du cerveau à réduire les souvenirs traumatiques. Mais étonnamment, peu d’études ont étudié les options de traitement pour atténuer les traumatismes durables (ou de “peur éloignée”) dans les modèles animaux.

Même groupe de neurones

Les scientifiques de l’EPFL ont constaté que l’atténuation de la peur éloignée dans le cerveau est liée à l’activité du même groupe de neurones que celui impliqué dans le stockage de ces souvenirs. En travaillant avec des souris, ils ont localisé ces neurones dans le gyrus denté, une zone de l’hippocampe impliquée dans l’encodage, le souvenir et la réduction de la peur.

Les souris utilisées dans l’étude étaient génétiquement modifiées, dotées d’un gène “rapporteur” qui produit un signal identifiable et mesurable, comme une protéine fluorescente, à la suite de l’activité neuronale.

En utilisant un exercice d’entraînement à la peur produisant des souvenirs traumatiques durables, les scientifiques ont d’abord identifié dans le gyrus denté la sous-population de neurones qui est impliquée dans le stockage de souvenirs traumatiques à long terme.

Les souris ont ensuite suivi un entraînement de réduction de la peur qui ressemble à la thérapie d’exposition chez l’humain – la forme de traitement la plus efficace actuellement.

Stockage et atténuation

Étonnamment, lorsque les chercheurs ont observé de nouveau le cerveau des souris, certains des neurones actifs quand elles se remémoraient des souvenirs d’épisodes traumatiques étaient toujours allumés, mais les animaux ne montraient plus de signes de peur.

Fait important, moins les souris avaient peur, plus les cellules étaient réactivées. C’était une première indication de l’implication d’une même population de neurones dans le stockage et l’atténuation des souvenirs traumatiques.

Les chercheurs ont ensuite réduit l’excitabilité des neurones du souvenir au cours de la thérapie d’exposition et ont constaté que la réduction de la peur chez ces souris était moins importante que dans le groupe témoin.

Mais lorsqu’ils ont réduit l’excitabilité d’autres neurones dans le gyrus denté, un tel effet n’a pas été constaté, ce qui montre que les neurones du souvenir dans le gyrus denté sont essentiels à l’atténuation de la peur.

Enfin, lorsque les chercheurs ont augmenté l’excitabilité de ces neurones du souvenir au cours de l’intervention thérapeutique, ils ont constaté une amélioration dans la réduction de la peur chez les souris. Ils ont donc conclu que l’atténuation des souvenirs de peur éloignée dépend de l’activité continue des neurones qu’ils ont identifiés dans le gyrus denté.

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