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Erwin Sperisen s’en prend au premier procureur Yves Bertossa

Erwin Sperisen, entouré de ses avocats Florian Baier (à gauche) et Giorgio Campa (à droite), a déjà été condamné à deux reprises à la prison à vie pour assassinats. Pour ce troisième procès, il a une nouvelle fois plaidé l'acquittement. KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI sda-ats

(Keystone-ATS) L’ex-chef de la police du Guatemala, Erwin Sperisen, accusé de sept assassinats, a demandé jeudi devant la Chambre pénale d’appel et de révision de Genève la démission du premier procureur Yves Bertossa, qui a failli, selon lui, à son devoir de recherche de la vérité.

“J’ai toujours dit que je n’avais tué personne, que je n’avais jamais donné l’ordre de le faire”, a souligné le prévenu, lors d’une prise de parole au terme de son procès. Erwin Sperisen a ensuite attaqué le procureur Yves Bertossa, coupable à ses yeux de vouloir diriger la politique d’un autre Etat “depuis son petit bureau”.

Le magistrat ne peut pas “prétendre dicter la manière dont j’aurais dû agir sans connaître la réalité locale”, a asséné le prévenu. En ouvrant cette procédure, Yves Bertossa a voulu faire de la publicité “pour ses copains et l’association de son père”, a encore affirmé Erwin Sperisen, faisant allusion à l’ONG TRIAL.

Pas de mobile

Avant cette intervention de l’accusé, ses avocats avaient plaidé son acquittement. Erwin Sperisen n’avait strictement aucun intérêt à la mort de détenus lors de l’opération de reprise en main par les forces de sécurité guatémaltèques du pénitencier de Pavon, en 2006, a souligné Florian Baier.

Selon l’avocat, le Tribunal fédéral (TF) a balisé la voie. Dans un arrêt, la cour suprême avait demandé à la justice genevoise de rejuger Erwin Sperisen, considérant que le droit d’être entendu de l’accusé avait été violé et qu’il n’avait pas pu être confronté à certains témoins.

En suivant cet arrêt, la seule possibilité est l’acquittement pur et simple d’Erwin Sperisen, a souligné M.Baier. “Aucun témoin nouveau n’a été auditionné”, ni les représentants du Ministère public guatémaltèque présents sur les lieux, lors de l’opération de Pavon, ni des gardes du corps protégeant les hauts cadres de la police.

Victor Soto n’a pas non plus été interrogé, a poursuivi M.Baier. Il s’agit pourtant d’un des membres du commando occulte qui a pénétré dans la prison, lors de l’assaut donné par les forces de sécurité, pour abattre sept détenus sélectionnés préalablement. L’homme a été condamné à 33 ans de prison au Guatemala pour ces crimes.

Condamnation arbitraire

Dans son arrêt, le Tribunal fédéral est aussi entré sur le fond de l’affaire, a pour sa part souligné Giorgio Campa, le deuxième avocat d’Erwin Sperisen. Selon lui, le constat est sans appel: le TF estime que la justice genevoise s’est appuyée sur des faits arbitraires pour condamner l’ancien chef de la police nationale du Guatemala.

“Sans élément nouveau, sans le début de quelque chose, c’en est terminé”. Tous les témoins à charge sont des menteurs, a encore relevé M.Campa. Qualifiant le dossier instruit par l’accusation de “nauséabond et de répugnant”, l’avocat a exhorté le tribunal de faire preuve de courage et d’acquitter Erwin Sperisen.

Yves Bertossa a répliqué aux plaidoiries de la défense. Il a souligné que les avocats n’ont jamais évoqué les faits. Ils n’ont pas parlé de la présence d’Erwin Sperisen aux côtés des membres du commando, à l’entrée de la prison, peu avant le début de l’opération de reprise en main de l’établissement, ou sur les lieux des crimes.

La Chambre pénale d’appel et de révision rendra son verdict le vendredi 27 avril, à 13h30.

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