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Exportations d’armes: le MPC devrait se pencher sur le rôle du SECO

Le rôle du SECO dans cette affaire est également critiqué dans un jugement écrit du Tribunal pénal fédéral (archives). KEYSTONE/PETER SCHNEIDER sda-ats

(Keystone-ATS) Une affaire de livraison illégale d’armes vers le Kazakhstan pourrait prendre de l’ampleur. Un collaborateur du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) est dans le viseur de la justice. Il aurait pu être au courant de la vente illégale.

Le cas occupe la justice de la Confédération depuis des années. Un entrepreneur bernois était tombé dans le collimateur de la justice après avoir cherché à exporter des armes au Kazakhstan. Il a été condamné par ordonnance du Ministère public de la Confédération (MPC) en mars dernier pour infractions à la loi sur le matériel de guerre.

Le MPC avait ouvert une procédure contre l’homme en 2014 suite à des informations fournies par des inspecteurs des douanes allemandes. Lors d’une procédure en Allemagne, il est apparu que des armes de fabrication suisse avaient été livrées en Nouvelle-Zélande puis réexportée vers le Kazakhstan.

La liste comptait notamment 1020 grenades lacrymogènes et dix-huit lanceurs de grenades. Ces armes étaient destinées à une unité spéciale antiterroriste au Kazakhstan.

Dans un premier temps, le SECO a refusé la demande d’exportation, au vu de la situation préoccupante sur les droits humains dans le pays. L’entrepreneur bernois avait ensuite formulé une nouvelle demande. Il avait expliqué que le matériel était destiné à une société implantée en Nouvelle-Zélande.

Le SECO a donné son feu vert en 2009. Cela a été possible grâce à un certificat d’exportation trafiqué portant la signature du chef d’entreprise. D’où sa condamnation.

Rôle du SECO critiqué

Mais le rôle du SECO dans cette affaire est également critiqué dans un jugement écrit du Tribunal pénal fédéral (TPF), dont l’ats a obtenu copie et à propos duquel plusieurs journaux alémaniques ont donné des informations mercredi. Selon le jugement, le SECO a dans ce cas négligé son devoir de contrôle.

Le fait que l’entrepreneur ait fait une première demande d’exportation vers le Kazakhstan un an avant la deuxième demande d’exportation à destination de la Nouvelle-Zélande aurait dû mettre la puce à l’oreille du SECO, selon le TPF.

Le collaborateur du SECO concerné avait les moyens de savoir que les armes allaient être réexportées. “Il y a aussi des indications selon lesquelles le même employé du SECO a autorisé des autres exportations (et des réexportations) en procédant de la même manière”, lit-on dans le jugement.

Il lui est donc reproché d’avoir soutenu des exportations d’armes à destination de pays touchés par un embargo sur les ventes d’armes. D’après le juge unique, il y a matière à examiner si on peut lui reprocher une violation de la loi sur les armes, en tant que coresponsable. L’autorité de surveillance du SECO devrait aussi examiner si des mesures disciplinaires à son encontre sont nécessaires.

Le MPC n’a pas encore reçu les actes du jugement, car il n’est pas encore entré en force, a indiqué ce dernier à l’ats. “Un recours est pendant devant le Tribunal fédéral.” Le MPC ne veut pas s’exprimer pour l’instant sur une éventuelle enquête pénale visant le collaborateur.

Enquête close

Le SECO s’est lui penché sur le cas. La secrétaire d’Etat à l’économie Marie-Gabrielle Ineichen-Fleisch a ouvert mi-avril une enquête disciplinaire contre l’employé incriminé, a-t-il confirmé à l’ats .

A ce jour, l’enquête n’a pas établi de violation des devoirs du collaborateur sur le plan du droit du travail. La procédure a donc été close la semaine dernière.

Dans l’affaire du Kazakhstan, le collaborateur du SECO s’est enquis par téléphone de la finalité des armes auprès de l’entreprise exportatrice. Il lui a été répondu que ces armes serviraient à des tests pour des unités de police et d’élite en Nouvelle-Zélande. La procédure de contrôle était ainsi suffisante, aux yeux du SECO.

Contrôles renforcés

Toutes les demandes d’exportation d’armes venant de cette firme doivent désormais être validées par un chef d’unité du SECO, ajoute ce dernier. Au vu de la procédure, le collaborateur concerné ne traite plus aucune demande de cette entreprise.

Selon le SECO, les contrôles ont été successivement améliorés. La procédure d’autorisation d’exportation, auparavant basée sur du simple papier, est désormais entièrement électronique. Ce qui a mené à une meilleure transparence des contrôles d’exportation. “Selon l’importance de la demande, plusieurs niveaux de hiérarchie sont désormais intégrés dans la procédure d’autorisation.” (SK.2016.20 et SK.2016.20d du 03.03.2017).

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