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Fisc: auto-dénonciations en forte hausse dans plusieurs cantons

Déclarer ou pas, telle est la question. L'échange automatique de renseignements en matière fiscale, qui entre en vigueur avec de plus en plus de pays, incite de nombreux contribuables à régulariser leur situation (photo symbolique). KEYSTONE/LAURENT GILLIERON sda-ats

(Keystone-ATS) L’arrivée de l’échange automatique d’informations incite de nombreux contribuables à régulariser leur situation auprès des autorités fiscales. Depuis 2016 déjà, cette tendance est à la hausse un peu partout en Suisse, et 2017 représente une nouvelle année record.

Sur la vingtaine de cantons qui ont divulgué leurs chiffres 2017 à l’ats, la plupart voient le nombre des dénonciations spontanées au moins doubler, voire tripler par rapport à l’année précédente. Dans le Jura, il est même multiplié par dix. Nombre de ces contribuables sont des ressortissants portugais, italiens ou espagnols qui possèdent des biens immobiliers dans leur pays d’origine.

Cela s’explique par l’entrée en vigueur de l’échange automatique de renseignements (EAR) en matière fiscale, que la Suisse pratique avec 38 Etats depuis le 1er janvier. Et dès l’automne, elle échangera les premières données avec l’ensemble de l’UE ainsi que dix pays tiers. L’année prochaine, 43 autres pays s’ajouteront à la liste.

Palme au Jura, Genève triple

Le Jura détient, de loin, la palme des cantons où le nombre de dénonciations spontanées a explosé. Il en a enregistré 886 l’an dernier, contre 82 en 2016 et 57 un an plus tôt. Le canton n’était pas en mesure de chiffrer le montant qu’elles allaient rapporter.

Genève enregistre également un record, avec 10’815 dénonciations spontanées sur l’ensemble de l’année. En 2016, il en avait reçu 2836, ce qui constituait déjà un maximum.

Cependant, les dossiers ne sont pas encore tous traités par l’administration. Mais, en 2017, l’Etat a déjà réintégré 1,079 milliard de francs de fortune non déclarée (plus de 4,4 milliards depuis 2010).

Il a récupéré également près de 172 millions de revenus en 2017 (plus de 606 millions depuis 2010). Outre l’EAR, les intéressés craignent les nouvelles mesures pénales durcies contre la fraude à l’aide sociale, d’après le secrétaire du Département des finances.

Dans le canton de Neuchâtel, le nombre de dénonciations spontanées a été multiplié par quatre l’an dernier par rapport à 2016. Les quelque 4300 contribuables qui se sont annoncés, un record, ont fait apparaître près de 255 millions de francs, permettant aux autorités de récupérer quelque 32 millions de francs d’impôts.

Le double en Valais et à Fribourg

En Valais, 450 dénonciations spontanées ont été recensées, contre 249 en 2016. Il s’agit aussi d’un record. Le fait que l’amnistie fiscale arrive à échéance a une réelle incidence sur le nombre de dénonciations, estime le chef du service des contributions.

Les 450 contribuables repentants ont fait état d’un montant de 510 millions de francs de fortune soustraits à l’impôt. Plus du tiers de la fortune non déclarée depuis 2010, environ 1,3 milliard de francs, l’a été en 2017. “En huit ans, nous estimons que communes, canton et Confédération ont encaissé pour tous les impôts environ 75 millions de francs”, ajoute le haut fonctionnaire.

Le Valais distingue les contribuables, principalement étrangers, qui se dénoncent à cause de l’EAR. Jusqu’à ce jour, environ 4000 dossiers ont été déposés.

Ce sont également près du double d’auto-dénonciations que le fisc fribourgeois a enregistré l’an dernier par rapport à 2016, à savoir près d’un millier, là aussi un record. La moitié de ceux-ci qui a déjà été traitée a permis au fisc de récupérer quelque 6,3 millions de francs d’impôts fédéraux et cantonaux, ceux des communes étant calculés à part.

Vaud et Tessin

Le canton de Vaud évoque également l’EAR, mais ne fournit pas de chiffres pour l’entier de l’année 2017. De janvier à mai 2017, 590 dossiers ont été clôturés.

Le montant facturé, soit l’impôt cantonal et communal ainsi que l’impôt fédéral direct, s’élève à 20,8 millions pour cette période. En 2016, 934 dossiers avaient été clôturés pour 90,5 millions de francs.

Au Tessin, les dénonciations exemptes de peine – possibles jusqu’au 30 septembre prochain – ont passé de 963 en 2016 à 1584 l’an dernier. Depuis 2010, ce sont 6 milliards de francs qui ont refait surface, pour un total de 4264 cas.

Idem en Suisse alémanique

Le tableau est identique outre-Sarine. A Zurich ou aux Grisons, le nombre de repentis a triplé et à Bâle, en Argovie et à Schaffhouse, il a doublé. Il même quadruplé à Glaris et quintuplé à Uri.

A Zurich, les services fiscaux ont ainsi dénombré 6150 dénonciations spontanées en 2017, presque trois fois plus qu’en 2016, qui était déjà une année record. Cela a permis de mettre au jour 1,327 milliard de francs.

Aux Grisons, l’administration dispose des chiffres confirmant la tendance nationale: alors qu’il n’en recensait carrément aucune en 2016, le canton a enregistré l’an dernier 305 dénonciations de contribuables originaires de pays du sud de l’Europe, soit plus du tiers du total.

En hausse constante

Ces chiffres records dans de nombreux cantons portent à près de 30’000 le nombre de contribuables qui ont profité de la mini-amnistie fiscale en 2017. Depuis son introduction, en 2010, quelque 94’000 personnes en auraient fait usage, selon une estimation de la presse dominicale alémanique. L’exercice aurait rapporté plus de 3 milliards de francs à la Confédération, aux cantons et aux communes.

Avec la dénonciation spontanée non punissable au niveau fédéral, les contrevenants peuvent se dénoncer une fois dans leur vie. Mais ils doivent rembourser entièrement aussi bien les arriérés de l’impôt fédéral direct que ceux des impôts cantonaux et communaux.

En 2016 déjà, de nombreux cantons avaient enregistré des records. Vu ce succès, le canton de Fribourg a souhaité qu’une amnistie fiscale générale soit introduite au niveau fédéral. La dernière date de près de 50 ans. Mais le Conseil des Etats s’y oppose, en attendant que l’objet passe au National. Selon des estimations, elle pourrait rapporter beaucoup: entre 43 et 60 milliards de francs échapperaient au fisc à l’échelle suisse.

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