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Genève ne veut plus abriter d’antiquités suspectes

Les Ports Francs de Genève ont mandaté une société indépendante pour contrôler les vestiges archéologiques qui entrent dans leurs entrepôts. Ils ne veulent plus servir de lieu de stockage d'"antiquités de sang". KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI sda-ats

(Keystone-ATS) Les Ports Francs de Genève vont s’attacher les services d’une société indépendante pour contrôler toutes les antiquités qui entrent dans leurs locaux pour y être entreposées. La mise en route de cette mesure est programmée pour cet été.

Le risque le plus grand pour les Ports Francs provient d’objets archéologiques, a fait savoir mercredi devant la presse le président du conseil d’administration de la société David Hiler. Par le passé, les entrepôts de l’entreprise ont été utilisés pour mener des trafics autour de ce type de vestiges.

Ces derniers temps, plusieurs sarcophages antiques, stockés à Genève, ont été restitués à des Etats, après des années de bataille judiciaire. Il s’agit d’épilogues de cas qui remontent au siècle dernier, a souligné M. Hiler. A l’époque, les règles étaient moins strictes. Depuis, les conditions ont changé.

En 2005, une loi fédérale sur le transfert international des biens culturels (LTBC) est entrée en vigueur. La Suisse venait de ratifier, après 30 ans de tergiversations, la convention de Paris, visant à empêcher l’importation, l’exportation et les transferts de biens culturels mal acquis.

Ne plus attendre

La priorité aujourd’hui des Ports Francs de Genève est de régler la question des objets archéologiques volés et de tourner la page du passé. La Confédération n’étant pas encline à augmenter le nombre de douaniers, les Ports Francs ont donc décidé de prendre les choses en main et d’opérer les contrôles avec l’aide d’une société tierce.

Les Ports Francs veulent éviter d’être utilisés comme un lieu de stockage des “antiquités de sang”, provenant par exemple des régions du Moyen-Orient ravagées par les conflits armés. Les propriétaires illégitimes de ces vestiges les entreposent quelque part, le temps de leur “inventer une nouvelle histoire”, et de brouiller les pistes.

Afin d’éviter ce type de mésaventure, chaque antiquité qui entrera aux Ports Francs sera désormais systématiquement contrôlée. La société neutre chargée du travail déterminera si l’objet est admissible. Rien n’empêchera la douane d’opérer des contrôles de son côté, a relevé le directeur général des Ports Francs Alain Decrausaz.

Pas les plus stricts

Depuis le 1er janvier, la Suisse a durci ses règles concernant les ports francs. Le nom et l’adresse du propriétaire d’une marchandise doivent ainsi être mentionnés dans l’inventaire mis à disposition des douanes. Ce cadre demeure toutefois moins contraignant que celui dont se sont doté d’autres pays.

A Monaco, les autorités exigent de connaître le nom de l’ayant droit économique des marchandises. Une telle mesure aurait permis d’éviter la polémique qui a éclaté suite aux “Panama Papers” autour d’un Modigliani stocké aux Ports Francs de Genève. Le tableau, propriété d’une société offshore, appartenait en réalité à un marchand d’art.

Le Groupe d’action financière (GAFI), un organisme intergouvernemental qui promeut des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, a inspecté le dispositif suisse des ports francs ce printemps. Il devrait rendre ses conclusions d’ici à une année.

“Nous sommes préparés à un renforcement de la réglementation internationale”, a relevé M. Hiler. Du côté de Genève, on souhaite même la mise en place de règles identiques partout dans le monde. “Si tous les ports francs sont soumis aux mêmes conditions, alors nous n’aurons pas à avoir peur pour notre avenir économique”.

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