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Insectes au menu dès le 1er mai: nutritionnistes dans l’expectative

Des pralinés au criquet, servis en mars 2014 lors d'un apéro au Palais fédéral (archives). KEYSTONE/ALESSANDRO DELLA VALLE sda-ats

(Keystone-ATS) Dès le 1er mai, avec la nouvelle loi sur les denrées alimentaires, les amateurs pourront se régaler de trois sortes d’insectes en Suisse. Les diététiciens sont dans l’expectative, l’expérience faisant défaut quant aux risques d’allergies et de carences par exemple.

Les insectes autorisés sont la larve du ténébrion meunier (Tenebrio molitor), soit le ver de farine, le grillon domestique (Acheta domesticus) et le criquet migrateur (Locusta migratoria). Le législateur s’est limité pour l’heure aux trois espèces les plus connues parmi les amateurs.

Les petites bêtes devront provenir d’un élevage. Elles ne pourront être mises sur le marché que si elles ont été surgelées dans les règles et ont fait l’objet d’un traitement pour détruire les germes végétatifs.

Ces conditions strictes posées par l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) devraient permettre d’écarter d’éventuelles contaminations par des pesticides ou germes pathogènes, parasites, spore du botulisme et autres staphylocoques. Les vers de farine peuvent aussi véhiculer le ténia nain, qui touche principalement les enfants dans les régions chaudes.

La prudence est de mise car dans nos contrées, tout reste à découvrir. “Ce domaine n’est pas encore très connu et on manque d’expérience”, a indiqué à l’ats Nicoletta Bianchi, diététicienne au Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne.

Risques d’allergies

C’est notamment le cas des allergies, note la spécialiste. Les insectes sont riches en protéines, or “toute protéine est susceptible de provoquer une réaction allergique”. Comme les acariens et les crustacés, ils contiennent de la chitine, un composant de leur exosquelette notamment.

Pour l’heure, les études sur le sujet font défaut, comme le relevait l’Autorité européenne de sécurité des aliments dans un rapport. Les effets d’une consommation de chitine en grande quantité ne sont pas connus, ni ceux de ses produits de dégradation.

“Les insectes contiennent aussi des substances antinutritionnelles, par exemple des enzymes qui empêchent l’absorption de la vitamine B1. Des carences peuvent en découler, comme cela a été constaté chez des enfants au Nigéria”, explique Mme Bianchi.

Riches en protéines

Au niveau nutritif, les insectes sont riches en protéines, en contenant entre 35% et 61%, voire jusqu’à 77%. “Mais la plupart des valeurs se basent sur l’extrait sec; on manque d’informations sur la teneur en eau, ce qui peut être désarçonnant pour le consommateur”, ajoute la diététicienne.

A titre de comparaison, la viande crue contient entre 18% et 22% de protéines, la viande séchée et les fromages à pâte très dure 30% environ. Un filet de boeuf est fait à 75% d’eau; si on lui applique le même mode de calcul qu’aux insectes, on arrive pour la matière sèche à 88% de protéines et 8% de lipides, précise Mme Bianchi.

Chez les insectes, la teneur en graisse dépend du stade de développement, de même que de la saison et de l’alimentation. Les larves et les oeufs en contiennent beaucoup. En général, le taux se situe entre 13% et 33% du poids sec et il s’agit d’un bon mélange, avec “d’assez bonnes proportions des différents lipides et un contenu faible en cholestérol”, selon Nicoletta Bianchi.

En troisième position arrivent les “nutriments sans azote” (entre 4% et 22%), comprenant notamment les fibres et les sucres – assez peu représentés – et dont le taux peut varier énormément, par exemple chez le criquet où la fourchette va de 2% à 85%.

Pauvres en calcium

Les insectes sont en revanche assez riches en certains minéraux, comme le phosphore, le zinc, le manganèse, le cuivre et le sélénium. Ils sont souvent pauvres en calcium et en sodium. Là aussi, les variations en fonction de l’alimentation et de la saison sont importantes.

Certaines vitamines du groupe B sont bien présentes, tandis que pour les autres groupes, ce mode d’alimentation est “plutôt pauvre”. En tout état de cause, “ce n’est pas un produit complet”, souligne Nicoletta Bianchi. Se suffire d’entomophagie n’est pas possible, des carences en calcium et en certaines vitamines en découleraient.

De surcroît, le rendement énergétique est faible, avec 400 à 500 calories pour 100 grammes de matière sèche. Or l’être humain nécessite entre 1800 et 3500 calories par jour selon son degré d’activité.

A priori, les Suisses ne devraient pas se ruer sur cette nouveauté. En mars dernier, un sondage de la Haute école spécialisée bernoise avait montré que seuls 9% des consommateurs sont décidés à goûter aux insectes. Un tiers des sondés (32%) préfère attendre sans y être fondamentalement opposé, tandis que le solde se partageait entre un poli “non merci” et un refus catégorique.

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