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Jean Studer critique les propositions de réformes de la BNS

Publier les procès-verbaux de la direction générale de la BNS serait "contraire à l’esprit de collégialité tel que nous le connaissons et le cultivons dans notre pays", a dit Jean Studer, président du conseil de banque, lors de l'assemblée générale des actionnaires. KEYSTONE/PETER SCHNEIDER sda-ats

(Keystone-ATS) La Banque nationale suisse (BNS) accepte de soumettre la politique monétaire au contrôle de la démocratie. Mais les réformes que d’aucuns souhaitent lui imposer comportent beaucoup plus de risques que de chances, estime Jean Studer, président du conseil de banque.

Le Neuchâtelois, qui s’exprimait vendredi lors de l’assemblée générale des actionnaires de la BNS à Berne, a expliqué son scepticisme vis-à-vis de trois réformes proposées dans la foulée de la décision d’abolir le taux plancher entre le franc et l’euro, en janvier 2015. La première réforme envisage d’élargir le mandat légal de la BNS, considéré par certains comme trop restrictif.

Selon cette proposition, il ne suffit pas que la banque centrale ait pour tâche d’assurer la stabilité des prix en tenant compte de l’évolution de la conjoncture. Il conviendrait d’ajouter d’autres objectifs, tel que le plein emploi et la stabilité des cours de change.

“Mais cette proposition ne saurait que décevoir les attentes et entraverait considérablement la conduite de la politique monétaire”, a mis en garde l’ancien politicien socialiste.

Agrandir la direction générale

La deuxième proposition de réforme vise à agrandir la direction générale – qui ne compte actuellement que trois membres – pour donner une meilleure assise aux décisions de politique monétaire. Or, selon Jean Studer, les décisions de la direction reposent déjà sur une large assise.

Et le président du conseil de rappeler qu’à l’heure actuelle, la direction générale est un organe spécialisé. L’agrandir ferait courir le risque que des groupes d’intérêt soient tentés d’y placer leurs représentants.

La troisième proposition de réforme analysée par M. Studer dans son allocution porte sur la transparence des décisions de politique monétaire. Elle suggère de publier les procès-verbaux relatant les discussions qui ont lieu lors des séances de la direction générale, en amont des décisions de politique monétaire.

La transparence est certes importante, admet M. Studer. Mais la direction générale est une autorité collégiale. “Publier les procès-verbaux serait contraire à l’esprit de collégialité tel que nous le connaissons et le cultivons dans notre pays”.

Contre l’initiave “monnaie pleine”

Le président de la direction, Thomas Jordan, s’est pour sa part prononcé contre l’initiative dite “Monnaie pleine”. Par leur texte, qui a abouti en décembre 2015, les initiants exigent que la BNS soit à nouveau compétente pour produire l’ensemble de la masse monétaire, y compris l’argent électronique. Les banques privées ne pourraient plus créer d’argent électronique.

Les initiants veulent ainsi éviter bulles financières et faillites bancaires. L’Etat n’aurait plus à sauver des banques à coup de milliards versés par les contribuables pour assurer le service des paiements.

Mais l’institut d’émission partage les inquiétudes du Conseil fédéral, a dit M. Jordan: la réalisation de cette idée nécessiterait une refonte totale du système monétaire actuel. Elle entraînerait une grande insécurité et pourrait nuire à la place financière et, ainsi, à la Suisse dans son ensemble.

“Les craintes que suscite le système financier actuel ne constituent pas une raison suffisante pour remanier ce dernier de fond en comble”, a ajouté le Biennois. Il est pratiquement impossible d’anticiper les conséquences d’une telle expérience sur la place économique suisse.

Fonds souverain rejeté

Thomas Jordan a aussi rejeté l’idée de créer un fonds souverain, à l’image de celui de la Norvège. Selon lui, un tel instrument ne simplifierait pas la conduite de la politique monétaire; bien au contraire, il la rendrait plus difficile. Et la comparaison avec la Norvège est trompeuse, car ce pays alimente son fonds souverain avec les revenus du pétrole.

Le président de la direction a en outre relativisé les craintes de récession suscitées par l’abandon du taux plancher. “Notre économie a progressé l’année dernière, affichant un taux de croissance de 0,9%. Si cette croissance ne peut pas être qualifiée de vigoureuse, elle constitue néanmoins un signe favorable”.

S’agissant de la partie statutaire de l’assemblée, toutes les propositions du conseil de banque ont été approuvées par des scores “soviétiques”.

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