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L’économie tique sur l’étiquetage mais pas sur les insectes

(Keystone-ATS) Grillons et sauterelles ont de bonnes chances d’atterrir bientôt sur nos étals. Ces exotismes prévus en marge de la loi sur les denrées alimentaires ne suscitent presqu’aucun sourcillement. En revanche, les dispositions sur l’étiquetage et les allergènes passent mal.

C’est en gros ce qui ressort de la consultation qui a pris fin vendredi. Les milieux concernés avaient à se prononcer sur les 2000 pages du “projet Largo”, un ensemble de 27 ordonnances qui accompagnent la loi sur les denrées alimentaires, adoptée en juin 2014 par le Parlement.

Ce paquet touche à des domaines très variés: traçabilité des aliments et des cosmétiques, étiquetage des acides gras saturés, sel, sucre, valeurs limites des bactéries dangereuses, eaux de douche et de baignade, etc.

Insectes presque inaperçus

Dans ce méandre de nouvelles règles, les insectes passent pratiquement inaperçus. Les chimistes cantonaux ne se montrent pas spécialement préoccupés par la commercialisation des trois espèces prévues, à savoir le ver de farine, le grillon domestique et le criquet migrateur. Reste encore à définir les conditions de production.

Pour Babette Sigg de l’association de défense des consommateurs alémanique Kf, on ne peut pas échapper à cette évolution, sachant l’apport en protéines de ce type d’alimentation. Elle regrette toutefois que la Confédération se limite à des insectes entiers et non transformés. Un aliment à base de vers de farine moulus susciterait moins de dégoût auprès des gens qu’un ver bien dodu sur la langue.

Nouvelles règles très chères

Reste que pour les milieux économiques, le chapitre des insectes passe au second plan. D’autres dispositions, nettement plus contraignantes, les rebutent. Pour Gastrosuisse, il s’agit d’un “monstre bureaucratique” entaché du “tristement célèbre perfectionnisme suisse”.

Les 26’000 établissements de la branche devront faire face à de gros coûts supplémentaires. L’association en veut pour preuve l’analyse d’impact que le Secrétariat d’Etat à l’économie a publiée sur ce dossier.

Rien que dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, il en coûtera 24,7 millions de francs pour l’étiquetage physique des plats et 76,6 millions de francs pour l’identification systématique des allergènes pour tous les produits proposés. Soit 4000 francs par établissement.

Or, le consommateur “est davantage intéressé à bénéficier d’un prix bas que d’informations détaillées”, estime Gastrosuisse. Au total, pour l’ensemble des secteurs concernés, inclus le commerce de détail ou les importateurs de cosmétiques, la facture pourrait atteindre 270 millions de francs en coûts uniques et 46 millions de coûts annuels réguliers.

Hausse des prix

Pour economiesuisse les nouvelles prescriptions vont à l’encontre de l’objectif premier de la loi qui était de lever un certain nombre d’obstacles au commerce en s’alignant sur le droit européen et de lutter ainsi contre l’îlot de cherté helvétique. Au final, les coûts assumés par l’économie retomberont sur le consommateur sans amélioration notable à la clé, note la faîtière des entreprises.

Sans compter que les cantons passeront eux aussi à la caisse. L’étude d’impact chiffre la douloureuse à 15,7 millions de francs par an “imputables pour l’essentiel aux presque 10’000 contrôles officiels supplémentaires que devront effectuer les cantons”. Une perspective qui fait bondir Fribourg et Thurgovie pour qui il n’y a pas en l’état de véritable lacune dans la sécurité sur les denrées alimentaires en Suisse.

Fausse sécurité

Les chimistes cantonaux s’attendent même à des effets indésirables comme celui de procurer une fausse sécurité aux allergiques. “Lorsqu’un cuistot salera ses frites avec de l’aromat – un produit contenant de la lactose – au lieu de sel, il devra le déclarer sur sa carte, une exigence pratiquement impossible à mettre en oeuvre”, explique Otmar Deflorin, président de l’association.

Les critères en matière d’hygiène sont également revus à la baisse. Or pour certains commerces de détails comme les restaurants ou les boulangeries, un échantillon sur quatre révèle déjà un dépassement des valeurs limites de bactéries autorisées.

Mieux informés

Du côté des consommateurs, on salue globalement le paquet, qui permettra aux clients d’être mieux informés. “Il ne sera plus possible de cacher des ingrédients nano ou des nutriments critiques, comme le sel et les sucres”, soutient Barbara Pfenniger de la Fédération romande des consommateurs (FRC).

Elle réfute l’ampleur des coûts que la réforme devrait entraîner. Les estimations ne tiennent pas compte des avantages difficiles à chiffrer pour la santé ou la confiance des consommateurs. Babette Sigg de Kf ne partage pas cet avis. Pour elle, la plus-value n’est pas avérée et le coût trop élevé.

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