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L’écosystème suisse est plus sensible au réchauffement

(Keystone-ATS) L’objectif est sur toutes les lèvres à l’approche de la Conférence de Paris sur le climat: limiter à 2°C le réchauffement climatique global entre le début de l’ère industrielle et la fin du XXIe siècle. Mais en Suisse, l’augmentation pourrait atteindre plus du double.

En cause: la topographie et un écosystème particulièrement sensible.

Premier constat: la température moyenne en Suisse a augmenté de 1,75°C de 1864 à 2012, alors que la moyenne mondiale est de +0,85°C pour la même période. Ces données se basent sur le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié en 2014, et sur les mesures de MétéoSuisse, que l’on retrouve sur le site de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).

“En extrapolant, un réchauffement moyen mondial de 2°C se traduirait en Suisse par une augmentation de la température de 4°C”, indique à l’ats José Romero, responsable du domaine Science Environnement International à l’OFEV.

Pourquoi? “Le réchauffement mondial est la moyenne des températures continentales et océaniques. Or les continents se réchauffent plus que les océans. Pour la Suisse, qui est purement continentale, la hausse est plus élevée que la moyenne mondiale”, explique le spécialiste.

“La Suisse est un écosystème particulier, avec un relief accidenté, loin de la mer dont l’influence se transmet par les vents”, ajoute le spécialiste. Elle est “entre deux chaînes de montagnes, avec d’importants glaciers ainsi que du permafrost en altitude”, deux éléments qui sont à la fois affectés par l’augmentation des températures globales et ont un effet régulateur sur la température locale.

“Plus chaud plus haut”

De plus, “on constate qu’en Suisse, le niveau du zéro degré s’élève de 60 mètres tous les dix ans en hiver, et de 75 mètres en été. Il fait donc de plus en plus chaud de plus en plus haut”, ce qui, à la longue, pourrait modifier la végétation, les forêts en montagne par exemple. “Il s’agit d’un écosystème complexe, très sensible” ajoute M. Romero.

Parmi les effets déjà observés, MétéoSuisse et l’OFEV mentionnent l’augmentation du nombre de jours de plus de 30°C et le recul de celui des jours de gel: une centaine à Zurich dans les années 60 contre une septantaine aujourd’hui. Et la perte de volume des glaciers alpins est estimée actuellement à 2 à 3 % par an.

Plus 5,7°C dans le pire des cas

Ces effets vont plus ou moins se renforcer en fonction des mesures prises pour diminuer les émissions globales de gaz à effet de serre. L’OFEV se réfère aux trois scénarios élaborés en 2011 par plusieurs institutions, dont MétéoSuisse et l’EPFZ.

Dans le pire des cas, si les pays ne renforcent pas les mesures, les températures en Suisse augmenteraient encore de 4°C d’ici la fin du XXIe siècle, soit 5,7°C depuis les débuts de l’ère industrielle. “Mais cela n’arrivera pas, puisque l’on est en train de faire des efforts”, nuance M. Romero.

Deuxième scénario: avec des efforts de réductions modérés, “les émissions connaîtraient un pic vers 2030-2040, puis diminueraient”, selon le spécialiste. “Pour la Suisse, cela se traduirait par une augmentation d’environ 3,5°C”. Donc 5,2° depuis 1864.

Le troisième et meilleur scénario serait de ramener en 2100 les émissions mondiales au niveau de 1990, soit l’équivalent des fameux 2°C de réchauffement global. Pour la Suisse, dans ce cas, la hausse serait de 1,5°C selon les projections citées par M. Romero. Additionnés aux 1,7°C déjà réalisés, cela représenterait un réchauffement de 3,2° pour l’ensemble de la période ciblée (1864-2100).

Disparition des glaciers

Actuellement, selon M. Romero, les émissions suivent une trajectoire proche du deuxième scénario. Les modifications climatiques ne s’annoncent pas les moindres: disparition quasi totale des glaciers dans le pire des cas, diminution des pluies en été avec risque de sécheresse, multiplication des pluies torrentielles entre autres, selon l’OFEV.

Avec un impact certain sur l’environnement, mais aussi la santé, l’économie, la société suisse dans son ensemble: crues, glissements de terrain, dégradation de la qualité de l’eau, des sols et de l’air et propagation de nouvelles maladies ou d’organismes nuisibles.

D’autres effets semblent moins négatifs, du moins à court terme: “Avec la fonte des glaciers, la production hydroélectrique pourrait se renforcer. Et l’augmentation de CO2, de précipitations et des températures pousserait la productivité agricole”.

“Mais le mot-clé est le risque”, avertit le spécialiste. “Nous nous exposons à des risques plus élevés d’événements extrêmes. Avec des conséquences assez incertaines”. La Suisse a donc tout intérêt à ce que le monde fasse le plus d’efforts possible.

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