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L’abstention fait échouer le référendum contre le mariage gay en Roumanie

A Bucarest, plusieurs bureaux de vote pour le référendum contre le mariage gay étaient déserts, les rares votants rencontrés étaient des retraités. KEYSTONE/AP/ANDREEA ALEXANDRU sda-ats

(Keystone-ATS) L’abstention massive des Roumains samedi et dimanche au référendum visant à pérenniser l’interdiction du mariage homosexuel a fait échouer le scrutin. Un résultat qui inflige un revers au gouvernement social-démocrate.

La participation a été insuffisante pour valider les résultats du référendum pour ou contre une révision de la définition du mariage dans la Constitution. Pour être valable, il fallait que le taux de participation à cette consultation organisée sur deux jours ressorte à 30% au moins des inscrits. Or seuls 20,41% des électeurs ont voté lors de ce scrutin qui avait débuté samedi. Les partisans de cette consultation controversée ont concédé dimanche leur défaite.

Appelés à inscrire dans la loi fondamentale que seuls “un homme et une femme” peuvent s’unir et non plus des “époux”, comme stipulé actuellement, les Roumains sont restés chez eux par indifférence ou par défiance, après une campagne aux accents outrageants envers les homosexuels, décrits comme des “voleurs d’enfants”, des “pédophiles” ou des “malades mentaux”.

“Mascarade”

“C’est un énorme mensonge et un gaspillage d’argent. On devrait laisser à tout le monde le choix de se marier ou non, sans égard pour l’orientation sexuelle”, a confié Ileana Popescu, une retraitée, après avoir assisté à la messe dominicale à Bucarest.

L’appel renouvelé du patriarche de la puissante Eglise orthodoxe, Daniel, à consentir “un acte de bienfaisance pour la famille et pour le peuple” en soutenant le référendum n’a pas convaincu non plus Andrei, un jeune entrepreneur, qui dit “refuser de participer à cette mascarade”.

Sur le fond, cette consultation ne change rien puisque la législation roumaine n’autorise ni le mariage entre personnes de même sexe, ni l’union civile. Une modification constitutionnelle verrouillerait davantage cette interdiction.

Mais les adversaires du scrutin fustigent également un vote qui alimente l’homophobie, éloigne la Roumanie des valeurs progressistes, et dont l’enjeu serait de faire oublier les déboires du parti social-démocrate (PSD) au pouvoir.

Bureaux de vote souvent déserts

A contre-courant des gauches européennes, les leaders des sociaux-démocrates roumains ont en effet pris fait et cause pour les défenseurs de la “famille traditionnelle” réunis autour d’une “initiative citoyenne” qui est à l’origine du référendum, avec le soutien actif de l’Eglise orthodoxe. Dans la capitale, les bureaux de vote restaient souvent déserts, les rares votants rencontrés par l’AFP dans la matinée étant des retraités.

“L’agressivité qui a marqué la campagne pour le ‘oui’, la tentative d’instiller la haine contre une minorité ont rendu les Roumains réticents à voter”, explique le sociologue Gelu Duminica. Leur faible mobilisation s’explique aussi par l’absence d’enjeu pour les maires, qui ont rechigné à faire campagne, et par une baisse de confiance dans l’Eglise orthodoxe, qui “ne rapporte plus de voix”, selon lui.

Les sociaux-démocrates comptaient sur ce scrutin pour remobiliser la Roumanie rurale et conservatrice, le coeur de leur électorat, alors que le parti est en perte de vitesse, accusé de vouloir affaiblir la lutte contre la corruption et de contrôler la justice qui a épinglé nombre de ses élus. Les responsables de la majorité de gauche ont été parmi les premiers à voter samedi, à l’image de la cheffe du gouvernement Viorica Dancila ou du puissant patron du PSD Liviu Dragnea.

Le référendum a suscité de vives critiques au sein des institutions européennes- Elles ont rappelé Bucarest à ses engagements en matière de droits de l’homme.

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