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L’affaire Perinçek devant la Cour européenne des droits de l’homme

(Keystone-ATS) La Grande Chambre de la Cour européenne des droits l’homme (CEDH) a commencé à réexaminer l’affaire Perinçek contre la Suisse. Comme dernière instance, elle devra trancher entre la norme antiraciste invoquée par Berne à propos de la négation du génocide arménien et la liberté d’expression soutenue par le Turc et Ankara.

Enumération d’articles de droit, envolées sur la liberté d’expression, émotions eu égard aux atrocités commises contre les Arméniens en 1915: l’audience de la Cour a donné une impression de foisonnement presque chaotique. Mais, malgré ce sentiment d’éparpillement, l’enjeu est de taille.

Condamné en 2007 par la justice vaudoise pour discrimination raciale parce qu’il avait qualifié le génocide arménien de “mensonge international”, Dogu Perinçek a obtenu gain de cause en 2013 devant la Cour de Strasbourg, celle-ci estimant que sa liberté d’expression avait été violée. Face à ce désaveu, la Suisse a demandé le réexamen du cas devant l’instance ultime, la Grande Chambre de la CEDH.

Dogu Perinçek et son avocat ont été les premiers à prendre la parole. Le chef du Parti des travailleurs de Turquie (extrême gauche) a affirmé qu’il n’avait jamais dit “un seul mot de haine, de ressentiment contre les Arméniens”. Il a mis au défi quiconque de démontrer qu’il était un raciste: “Le racisme, c’est une honte”.

Argumentation scientifique

A ses yeux, l’Empire ottoman “n’a pas eu l’intention de supprimer totalement la population arménienne”. Dogu Perinçek a dit “partager” ces souffrances face aux massacres. Ses propos condamnés à Lausanne étaient basés sur une argumentation scientifique, avec des dizaines de kilos de documents. Ceux qui ne partagent pas son point de vue sur l’emploi du terme génocide doivent rester à ce niveau de recherches, mais de toute manière la liberté d’expression doit primer.

Face à ce discours, souvent très vif, la Suisse a répliqué de manière extrêmement juridique, laissant nombre d’auditeurs perdus dans les spécificités helvétiques. Le président de la Cour, Dean Spielmann, a même dû intervenir pour signaler à la délégation qu’elle avait dépassé son temps de parole. Le jugement sera rendu à une date ultérieure non précisée.

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