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L’ancien ministre assume une “vérité accablante”

(Keystone-ATS) “Il y a quelqu’un en moi qui a fait ça”, a déclaré mercredi devant la justice l’ex-ministre français du Budget Jérôme Cahuzac. Il a déclaré maintenir ses déclarations de la veille sur le financement de l’ex-premier ministre Michel Rocard via un compte en Suisse.

Au deuxième jour de son procès, Jérôme Cahuzac a ajouté avoir été pris dans “une mécanique” très dure à arrêter après l’ouverture d’un premier compte destiné, selon lui, à financer la vie politique.

“La vérité que j’ai décidé de dire n’est pas une stratégie”, a assuré à la barre l’ex-ministre, dont les “révélations” sur le financement présumé occulte de l’activité politique de Michel Rocard en 1992 et 1993 ont créé la stupéfaction lundi, au début du procès.

“Cette part de moi, c’est aussi moi, qui suis donc coupable”, a affirmé M. Cahuzac. “Tout ça est fou, je l’assume”, a-t-il ajouté. “La vérité, c’est la vérité”, a-t-il ajouté face à un procureur et un président qui l’ont quelque peu malmené, soulignant des “incohérences” dans ses propos.

Lundi, au premier jour de son procès pour fraude fiscale, blanchiment et fausse déclaration de patrimoine à son entrée au gouvernement, M. Cahuzac a déclaré que le premier compte qu’il avait ouvert en Suisse avait pour objet le financement occulte, par des laboratoires pharmaceutiques, de l’activité de Michel Rocard.

Devant les juges, qui l’ont interrogé à neuf reprises, Jérôme Cahuzac avait pourtant indiqué que son compte caché n’avait été approvisionné qu’avec des revenus personnels.

Chez UBS

Ce compte, ouvert auprès de la banque UBS au nom d’un avocat, Philippe Péninque, devait ainsi servir à “assurer le fonctionnement de la structure” rocardienne, selon lui. Mais un seul retrait a été effectué, fin 1992, a souligné le tribunal.

“Ca ne vous a pas surpris de voir l’argent qui s’amoncelle sur un compte ?”, l’a interrogé le président du tribunal, Peimane Ghaleh-Marzban. Réponse du prévenu : ces fonds devaient sans doute servir plus tard.

Le procureur l’a aussi interrogé sur des versements effectués sur ce compte en 1993, juste après une défaite “historique” des socialistes aux élections législatives. “Comment expliquer que les laboratoires pharmaceutiques n’aient pas plutôt parié sur la droite ?”, a demandé le président. “Si la défaite était probable début 1993, son ampleur était inimaginable”, lui a rétorqué l’ancien ministre.

“Birdie”

En 1993, ce financement politique présumé s’arrête, d’après Jérôme Cahuzac. Le prévenu ouvre alors un nouveau compte à son nom à la banque UBS, “pour des raisons de discrétion”. Un compte pour lequel il utilisera le nom de code “Birdie”.

En 1998, Jérôme Cahuzac, alors fraîchement élu député, transfère son compte dans une autre banque en Suisse, chez Reyl, aussi poursuivie dans ce dossier. “J’ai fait cela dans un souci de discrétion et de confidentialité, parce que j’avais peur”, a-t-il dit.

En 2000, les virements de fonds personnels commencent. Cette année-là et en 2001, il fait déposer sur son compte en Suisse de l’argent touché à l’étranger, de riches clients que le chirurgien de formation opère dans un pays du Proche ou Moyen-Orient dont il taira le nom.

Arrangements avec la vérité

Le rapport à la vérité de Jérôme Cahuzac a été au coeur de ce second jour d’audience. “Vous n’avez reconnu les faits que quand les faits sont apparus. C’est un constat”, lui a lancé le président du tribunal.

“Est-ce que M. Cahuzac est un homme cynique, d’une froideur incroyable, ou alors un homme qui est dans d’autres complexités, dans d’autres difficultés, qui permettent de comprendre ?”. Cette question, formulée mercredi par le président, sera cruciale pour les prochaines audiences consacrées au transfert de ses avoirs cachés vers Singapour et à l’utilisation frauduleuse du compte de sa mère.

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