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L’homme qui a massacré sa femme à Fribourg écope de la prison à vie

Prison à vie pour l'assassin (image symbolique). Keystone/AP/THOMAS KIENZLE sda-ats

(Keystone-ATS) Le Tunisien âgé de 50 ans qui a torturé et égorgé son épouse à Fribourg en 2010 écope de la prison à vie. Le Tribunal cantonal en a décidé ainsi mercredi, après moult rebondissements judiciaires.

Possessif, paranoïaque et narcissique, cet homme n’acceptait pas la séparation avec son épouse. Il a massacré cette femme âgée de 37 ans, chez elle, alors que leurs filles de 11 et 9 ans jouaient en bas de l’immeuble.

Il l’a ligotée, l’a frappée avec un pistolet “soft-air”, lui a tiré des balles en plastique au visage, l’a poignardée quinze fois dans le dos, a tenté de l’étrangler et finalement lui a tranché la gorge. En 2014, le Tribunal de la Sarine l’a condamné à la prison à vie pour assassinat.

Lors du procès en appel en 2015, le Tribunal cantonal a abaissé sa peine à 20 ans. Il estimait que la culpabilité particulièrement marquée du prévenu aurait justifié la perpétuité, mais il se croyait limité à cet égard par la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Restriction infondée

Il pensait qu’il était obligé de répercuter sur la peine la diminution de responsabilité du prévenu liée à ses troubles psychiques. Or, le Tribunal fédéral – saisi par des recours de l’accusation et de la défense – a établi fin 2016 que la diminution de responsabilité n’exclut pas a priori la condamnation à vie.

Le “plafond de verre” que s’était imposé à lui-même le Tribunal cantonal n’avait donc pas lieu d’être. Mais “ne changez rien” à votre appréciation de la culpabilité de l’assassin, avait dit le procureur Marc Bugnon mercredi matin aux juges cantonaux.

L’analyse qu’ils avaient faite en 2015 reste valable, à savoir que le criminel a cumulé les critères pour la perpétuité: brutalité sauvage, acharnement hors du commun sur une victime sans défense, de sang-froid, avec la liberté de choix et sans circonstance atténuante.

Pas de viol

L’avocate de la défense Yaël Hayat a relevé que la cour suprême critiquait la méthode de fixation de la peine mais n’ordonnait pas de la revoir à la hausse. L’avocate demandait de tenir compte de l’évolution positive de son client ces deux dernières années.

Le Tribunal cantonal a par contre acquitté le prévenu concernant le viol supposé de son épouse quelques mois avant l’homicide, faute de preuves matérielles suffisantes. Selon l’avocate, le passage de son client du statut de “violeur et assassin” à celui d’assassin pouvait être pris en compte pour ne pas augmenter la peine.

Argument balayé par le procureur: la charge de viol n’avait de toute façon aucun effet sur la perpétuité. Car cette peine ne se définit pas par addition de plusieurs charges, mais par le degré de culpabilité dans une seule charge: l’assassinat.

Peu d’évolution

Marc Bugnon a relativisé le bon comportement du détenu en prison. A Lenzbourg (AG), plus aucun chef d’atelier ne voulait travailler avec lui, d’où son transfert à Gorgier (NE). Et il a été impliqué dans des altercations, mais il a chaque fois nié. Revendicateur, égocentrique, voulant toujours avoir raison, “il n’a pas changé d’un iota”.

Pendant le procès en première instance, l’assassin avait dénigré la défunte, qu’il soupçonnait d’infidélité. Il répétait d’abord “paix à son âme”, “c’était un ange”, “une fleur très fragile”. Mais il avait fini par lâcher ce qu’il pensait d’elle: “un cas”, une femme “pas maligne”, “malade”, “folle”, “un robot” qui ne savait pas faire le ménage, faire à manger ni remplir ses devoirs familiaux et conjugaux.

Pendant des années, il a rejeté la responsabilité sur des tiers (sa belle-soeur, une bande de mafieux, ou encore un complot islamiste). Mercredi devant la Cour, il a admis être “l’unique auteur du… drame”.

Il a aussi affirmé que sa thérapie lui a appris à ne pas se laisser prendre par ses émotions, à prendre acte des intérêts d’autrui, et à ne pas recourir à la violence physique ou psychologique. “Je regrette profondément. Je ne le referai jamais.”

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