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L’humoriste Jimmy Morales en tête de la présidentielle au Guatemala

(Keystone-ATS) Les Guatémaltèques ont placé l’humoriste Jimmy Morales, sans expérience politique, en tête du premier tour de l’élection présidentielle. Un choix atypique reflétant le ras-le-bol du pays face à la corruption.

Selon des résultats officiels lundi portant sur 81,52% des suffrages, Jimmy Morales totalise 25,75% des voix. Le comédien et animateur de télévision, âgé de 46 ans, est un candidat du parti FCN-Nacion (droite).

Le second tour est prévu au 25 octobre mais l’incertitude demeure encore sur son adversaire. Manuel Baldizon, 45 ans, à 18,63%, porté par le parti Liberté démocratique (Lider, droite) est en concurrence avec l’ex-Première dame Sandra Torres, soutenue par l’Union nationale de l’espoir (UNE, social-démocrate), à 17,91%.

Selon le Tribunal suprême électoral (TSE), la participation avoisinait les 70%, un pourcentage semblable à celui de 2011. Le vote s’est déroulé dans le calme dimanche et a déjoué les craintes d’abstention liées au climat d’exaspération historique de la population.

L’humour ou le sérieux

Les électeurs ont montré leur indignation par le choix d’un candidat atypique. Les manifestants espèrent un changement après avoir vu, cette semaine, le président Otto Pérez démissionner puis être placé en garde à vue sur des soupçons de corruption.

Entré en politique récemment après avoir tenté en vain de conquérir la mairie de sa ville, M. Morales, animateur d’une émission humoristique à la télévision, acteur et producteur de cinéma, est connu pour son personnage naïf de “Neto” au cinéma, qui devient président par accident.

L’acteur a percé de manière spectaculaire ces derniers mois sur la scène politique nationale, mais sans programme concret. Maniant l’humour durant ses meetings, il est perçu, avec son slogan “pas corrompu, pas voleur” par les électeurs, comme une alternative aux hommes politiques traditionnels, même s’il est critiqué pour le passé militaire de son parti.

Un vote de punition

De son côté, M. Baldizon, qui a fait fortune dans le tourisme, le transport et l’immobilier, a longtemps été favori des enquêtes d’opinion, avant de se faire dépasser dans le dernier sondage, jeudi. Les scandales de corruption et de blanchiment d’argent touchant six députés de son parti et son propre candidat à la vice-présidence ont entraîné son rejet par une partie de la population.

“Au Guatemala, nous avons l’habitude d’exprimer un vote de punition, donc c’est un vote anti-Baldizon et anti-Sandra, qui représentent la classe politique normale”, estime Sandino Asturia, analyste du Centre d’études du Guatemala. Mais “le phénomène Jimmy est une coquille vide, sans structure de parti solide”, prévient-il après ce scrutin qui désignait aussi 158 députés et 338 maires.

Alors que 53,7% de la population vit sous le seuil de pauvreté, la révélation en avril du scandale de corruption touchant les plus hauts niveaux de l’Etat a outré les Guatémaltèques, qui supportent au jour le jour un système public de santé et d’éducation en pleine débâcle, faute de moyens.

Elle a déclenché une mobilisation citoyenne sans précédent mais toujours dans le calme, dans un pays de 15,8 millions d’habitants pourtant l’un des plus violents au monde.

Pérez en garde à vue

La chute de M. Pérez, ces derniers jours, a été accueillie par des scènes de liesse populaire. Cet ex-général de 64 ans, qui passe un long week-end à la prison militaire de Matamoros, en garde à vue, retrouvera mardi le juge, qui prononcera son éventuel placement en détention provisoire.

Il est accusé, comme son ancienne vice-présidente Roxana Baldetti, déjà en prison, d’avoir dirigé un réseau de corruption au sein des douanes. En offrant des ristournes sur les taxes d’importation à des hommes d’affaires, principalement chinois, ils auraient empoché chacun 800’000 dollars en pots-de-vin entre mai 2014 et avril 2015, pendant que le réseau détournait 3,8 millions.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

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