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L’indépendance a marqué un tournant majeur pour la diaspora suisse

En Suisse, l'événement a marqué le début d'une nouvelle vie pour de nombreux Kosovars (archives). KEYSTONE/KATJA WEBER sda-ats

(Keystone-ATS) Le Kosovo fêtera samedi le dixième anniversaire de sa proclamation d’indépendance. En Suisse, l’événement a marqué le début d’une nouvelle vie pour de nombreux Kosovars. Au fil des générations, la diaspora s’est toutefois distancée de son pays d’origine.

“Avant la déclaration de l’indépendance, j’ai toujours pensé retourner là-bas. Toute mon énergie, comme tous les autres membres de la diaspora, était dirigée vers la libération du Kosovo. J’envoyais régulièrement de l’argent à ma mère, mais aussi à l’Armée de libération du Kosovo (UCK, la guérilla indépendantiste) et à des associations promouvant un enseignement alternatif à celui de Belgrade”, confie à l’ats Alban Ismailaj, qui a fui son pays en 1991 pour ne pas avoir à faire la guerre lors des conflits qui ont secoué l’ex-Yougoslavie.

Pays en construction

Le 17 février 2008, le jour tant attendu est arrivé. La déception a cependant rapidement pointé le bout de son nez. “Des institutions, des partis politiques et des élections libres ont certes été mis sur pied. Mais le pays ne s’est pas développé autant qu’on l’avait espéré”, regrette le Lausannois de 46 ans, devenu psychothérapeute, interprète communautaire et médiateur interculturel.

Et d’énumérer la pauvreté persistante, une démocratie balbutiante ou encore les conséquences toujours visibles de la guerre, comme ces 1600 personnes toujours portées disparues. “Personne ne sait ce qu’elles sont devenues. On imagine qu’elles sont mortes.”

Shyhrete Rexhaj, qui a rejoint ses parents dans la capitale vaudoise en 1995, abonde en son sens. “Le Kosovo est toujours un pays en construction et beaucoup de pierres doivent encore être apportées. Notamment dans les domaines de la santé et de la formation. Il faut créer des perspectives professionnelles pour les jeunes.”

Retour ajourné

Parallèlement à ces raisons, Alban Ismailaj met également en avant sa bonne intégration en Suisse à travers le basket, les études et le travail. Marié et père d’un jeune enfant, il n’avait plus tellement de raisons de rentrer au Kosovo. Il décide alors de rester.

Parcours similaire pour les parents de Shyhrete Rexhaj. “Ils sont venus pour des raisons économiques et dans l’optique de rentrer dès que possible au pays. Mais la question ne s’est même pas posée après l’indépendance. Leurs enfants étant aux études, ils ont continué à travailler”, raconte cette professeure associée à l’Institut et la Haute école de la santé La Source.

Même après leur retraite, ils ont décidé de rester en Suisse. Pour être proches de leurs enfants. “C’est une génération sacrifiée. Ils ont été trahis dans leurs projets”, reconnaît la femme de 35 ans. Elle-même ne se pose actuellement pas la question d’un retour au Kosovo. “Je vis plein de projets ici. Mais, dans dix ans, qui sait?”

Enfin Kosovar !

L’indépendance du pays a ainsi été un jalon important dans la vie sociale de la diaspora. “Ca a été un soulagement. Nous n’avions plus à nous inquiéter pour nos proches restés au Kosovo. Nous n’étions plus rivés aux informations. Ainsi, nous avons pu connecter avec notre vie en Suisse”, explique Shyhrete Rexhaj.

“La question nationale a plutôt été un frein à l’intégration de la diaspora. Dès qu’elle a été résolue, les Kosovars ont pu se projeter à plus long terme en Suisse. Ils ont acheté des maisons, se sont fait naturaliser, ont monté des entreprises et se sont lancés dans la vie politique”, analyse Iseni Bashkim, directeur du site Albinfo.ch.

Nombre d’entre eux ont également eu l’impression d’avoir enfin une identité complète. Surtout parmi les plus jeunes. “Le jour de l’indépendance, ça a été la première fois où je me suis senti Kosovar”, avoue Arben Gashi, arrivé en Suisse à l’âge de sept ans.

“Pour moi, ça a toujours été facile de me sentir Suisse. J’ai grandi et fait mes études ici. Mais là, j’étais aussi Kosovar. La déclaration d’indépendance m’a permis d’avoir un statut légitime.”

Avenir à Hong Kong?

Malgré tout, le jeune homme de 27 ans se sent aussi Suisse que Kosovar. Et son avenir, il ne le voit pas dans son pays natal. “Je ne pense pas mon avenir en terme d’appartenance identitaire, mais en terme de réalisation professionnelle. Où est-ce que je vais bien pouvoir exploiter mon savoir-faire? Peut-être que ce ne sera même pas en Suisse, mais à Hong Kong!”

En attendant, Arben Gashi ne semble rattaché au Kosovo que par ses amis et sa famille, à qui il rend visite une fois par an. Fêtera-t-il l’indépendance samedi? “Les années passées, je n’ai rien fait. Je ne pense pas que cette année sera différente.”

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