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L’initiative des consommateurs est une expérience dangereuse

(Keystone-ATS) L’initiative des magazines de consommateurs en votation le 5 juin affaiblirait le service public plus qu’elle ne l’aiderait. La conseillère fédérale Doris Leuthard a lancé mardi la campagne en multipliant les mises en garde.

L’initiative “en faveur du service public” a été lancée par les journaux “Bon à savoir”, “K-Tipp”, “Saldo” et “Spendere Meglio”. Elle exige qu’en matière de prestations de base, la Confédération ne vise pas de but lucratif, ne procède à aucun subventionnement croisé au profit d’autres secteurs de l’administration et ne poursuive pas d’objectif fiscal.

Ces principes devraient s’appliquer également aux entreprises fédérales que sont La Poste, Swisscom et les CFF. Et quelle que soit l’interprétation que font désormais les initiants de leur texte, aucun bénéfice ne serait autorisé, a souligné le ministre des infrastructures.

Les salaires et les honoraires versés aux collaborateurs de ex-régies ne devraient par ailleurs pas être supérieurs à ceux versés aux collaborateurs de l’administration fédérale.

Modèle à succès

Miser sur de telles interdictions n’est pas une bonne stratégie, selon Doris Leuthard. Les initiants promettent davantage de service public mais dans les faits leur texte le mettrait à mal, a-t-elle affirmé. Il n’est pas question de se lancer dans des expériences risquées qui menaceraient des prestations très importantes pour la cohésion régionale et la prospérité économique.

Et la Suisse peut s’enorgueillir d’un modèle à succès, selon le Conseil fédéral. Elle est le pays le plus compétitif du monde grâce à ses infrastructures. Les trains circulent à l’heure. Le courrier posté à Genève est distribué le lendemain à Poschiavo (GR), a énuméré la conseillère fédérale. Chaque ménage peut en outre compter sur un débit minimal sur Internet de 2 mégabytes, a ajouté le ministre vaudois de l’économie Philippe Leuba.

Investissements impossibles

L’interdiction de viser un but lucratif empêcherait les entreprises concernées d’investir dans de nouvelles technologies et de nouveaux produits. Or, elles doivent sans cesse s’adapter aux besoins de leurs clients, a noté Doris Leuthard.

La Confédération y perdrait de son côté d’importants revenus. En 2015, les dividendes de la Poste lui ont rapporté 200 millions de francs à la Confédération et la participation au bénéfice de Swisscom a permis d’encaisser 580 millions.

A défaut, il faudra augmenter les impôts ou couper dans les prestations, a averti la ministre des infrastructures. Ce sont souvent les cantons qui passent ensuite à la caisse, si Berne économise, a fait valoir Philippe Leuba. Et de mettre en garde contre une volonté de figer le service public: la Poste aurait encore un réseau de diligence si on avait agi de la sorte.

L’interdiction des subventionnements croisés n’est également pas une bonne idée. Il ne serait plus possible de financer des prestations moins rentables. Adieu dès lors les tarifs uniformes pour les lettres et les conversations téléphoniques dans tout le pays. Les régions périphériques seraient les premières à en faire les frais, selon le conseiller d’Etat grison Mario Cavigelli.

Plafonnement des salaires

Enfin, le plafonnement des salaires à la Poste, à Swisscom et aux CFF réduirait l’attrait de ces entreprises. Elles doivent avoir la marge de manoeuvre nécessaire pour recruter du personnel compétent. La compétition est internationale, a avancé Doris Leuthard, tout en assurant que le Conseil fédéral discute régulièrement avec les ex-régies pour éviter des excès.

La question ne porte pas que sur les revenus des managers. Beaucoup d’employés des entreprises exerçant un service public sont mieux rémunérés que ceux de l’administration fédérale, a précisé la conseillère fédérale.

L’initiative a fait chou blanc au Parlement, n’y obtenant aucun soutien. Aussi bien la droite, qui y voit un frein aux libéralisations, que la gauche, qui craint un démantèlement des prestations, l’ont rejetée.

Les libéralisations de ces dernières années ont permis de faire baisser les prix, selon la conseillère nationale Regine Sauter (PLR/ZH) plaidant pour davantage de marché et de concurrence.

Un “oui” à l’initiative ne créera pas un siège de plus dans les transports publics ni n’empêchera la fermeture de bureau de poste, a de son côté déclaré la socialiste thurgovienne Edith Graf. Le texte ne dit mot en outre sur la formation continue ou l’égalité salariale des employés.

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