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La Bosnie a voté lors de législatives, souvent sans illusion

Les partis ont fait campagne avec des programmes nationalistes en Bosnie, usant la rhétorique d'un passé sombre (archives). KEYSTONE/EPA/FEHIM DEMIR sda-ats

(Keystone-ATS) Les Bosniens ont voté souvent sans illusion dimanche, usés par la pauvreté et la corruption et lassés de politiques qui ont encore joué sur les réflexes communautaires pour ces élections générales. La campagne avait été marquée par des frictions.

Le bureaux de vote ont fermé à 19h00, pour des premiers résultats attendus tard dans la soirée. Le scrutin s’est déroulé sans que ne soit rapporté d’incident notable dans les deux parties du pays, la Republika Srpska (République des Serbes de Bosnie), et la fédération croato-bosniaque. Dotées d’une grande autonomie, ces deux entités sont reliées par un faible Etat central.

Le vote de dimanche était donc aussi complexe que des institutions dessinées selon des lignes identitaires après la guerre intercommunautaire de 1992-95. Les électeurs désignent leurs diverses assemblées parlementaires ainsi que les trois membres de la présidence collégiale: un Bosniaque (musulman), un Serbe (orthodoxe) et un Croate (catholique). Dans l’après-midi, la participation était pratiquement équivalente à celle de 2014 (37,21% contre 36,6%).

Beaucoup se sont rendus aux urnes, en exprimant une forte défiance envers leur classe politique. “Ces gens sont depuis très longtemps au pouvoir. Certains pensent qu’ils sont des Dieux”, dit Vesna Paul, une employée de banque d’une cinquantaine d’années de Banja Luka (nord), capitale des Serbes de Bosnie.

Entité croate aussi revendiquée

Vingt-cinq ans après le conflit (100’000 morts), les principaux candidats ont joué sur la corde nationaliste, notamment le Serbe Milorad Dodik et le Croate Dragan Covic, mais aussi les prétendants bosniaques. Votant dans son village de Laktasi (nord), Milorad Dodik a expliqué qu’en cas de victoire, il exercerait sa charge “uniquement dans l’intérêt ou au profit de la Republika Srpska”. En campagne, il a répété que la Bosnie, qu’il pourrait coprésider, n’était à ses yeux “pas un Etat”.

Mais son adversaire Mladen Ivanic a aussi affiché son optimisme, jugeant que Milorad Dodik “était bien plus faible qu’il y a quatre ans”. Milorad Dodik dirige depuis 2006 l’entité serbe et est le personnage central de la scène politique chez les Serbes de Bosnie qui représentent un tiers des 3,5 millions d’habitants.

Mais il n’est pas le seul à mettre en cause les institutions existantes. Leader du HDZ (droite nationaliste), Dragan Covic souhaite, lui, que les Croates (15%) aient leur propre entité, jugeant qu’ils sont aujourd’hui soumis à la domination politique des Bosniaques (plus de 50%) dans leur fédération commune.

“Il faut les séparer!”

La présidence collégiale est notamment en charge des politiques étrangère et de défense, l’essentiel du pouvoir, notamment la police ou la politique économique, étant entre les mains des deux entités.

Mais si Milorad Dodik et Dragan Covic siégeaient ensemble dans la présidence, leur association ferait peser des risques de décomposition de la Bosnie, selon leurs adversaires: “Il faut les séparer l’un de l’autre!”, a exhorté Zeljko Komsic, adversaire social-démocrate de Dragan Covic.

Selon l’analyste politique Zoran Kresic, lassés “des mêmes histoires, des messages guerriers et de l’impossibilité à vivre ensemble, la plupart des jeunes voient leur avenir en dehors de la Bosnie”. Le revenu moyen du pays est de 430 euros, le chômage touche de 20% à un tiers des habitants, selon les critères retenus.

Dans un rapport récent, l’ONG Transparency International détaillait les irrégularités électorales lors des élections locales de 2016, notamment la promesse d’embauche aux électeurs dans les entreprises publiques, tenues par les partis. Avec l’administration, elles pèsent pour 25% des emplois du pays.

Les listes électorales sont notamment sujettes à caution: elles comptent 3,3 millions d’électeurs, soit à peine moins que le nombre d’habitants, et un million de plus qu’en 2004. “Est-ce qu’on meurt dans ce pays?”, ironise Amer Bekan, président d’un petit parti..

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