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La Bosnie va demander à la CIJ de rejuger la Serbie pour “génocide”

Le chef politique des Bosniaques musulmans Bakir Izetbegovic a déclaré que la demande de révision serait adressée "la semaine prochaine" à la CIJ, soit quelques jours avant l'expiration d'un délai de 10 ans après l'énoncé du verdict (archives). KEYSTONE/EPA/JACK TAYLOR sda-ats

(Keystone-ATS) La Bosnie va demander à la Cour internationale de justice (CIJ) de réexaminer un verdict de 2007 disculpant la Serbie. Sarajevo accuse ce pays d’avoir orchestré un “génocide” en Bosnie pendant le conflit des années 1990.

Cette initiative a été annoncée par le chef politique des Bosniaques musulmans et membre de la présidence collégiale de Bosnie, Bakir Izetbegovic. Elle risque de provoquer une nouvelle crise politique. Le pays est ethniquement divisé et déchiré par un conflit intercommunautaire qui avait fait quelque 100’000 morts (1992-95).

La décision risque également de susciter un refroidissement des relations avec Belgrade. Le Premier ministre serbe Aleksandar Vucic l’a déjà qualifiée de “difficile et mauvaise” pour les relations entre la Serbie et la Bosnie.

“Malgré tout, je suis convaincu que nous allons parvenir à préserver nos intérêts nationaux”, a déclaré M. Vucic, cité en ligne par le quotidien serbe Blic. “Mais nous allons continuer à parler avec les responsables de la Bosnie, avec une volonté d’assurer une paix pérenne dans les Balkans”.

“Vérité et justice”

Bakir Izetbegovic a déclaré que la demande de révision serait adressée “la semaine prochaine” à la CIJ, soit quelques jours avant l’expiration d’un délai de 10 ans après l’énoncé du verdict.

“Tout le monde a besoin de la vérité, même ceux qui s’y opposent, d’une vérité qui sera écrite par des juges internationaux, expérimentés et impartiaux”, a-t-il dit en conférence de presse. Il s’exprimait à l’issue d’une réunion avec une cinquantaine de responsables politiques, d’experts judiciaires et de représentants des associations de victimes de la guerre.

“Nous sommes intéressés par un processus de réconciliation basé sur la vérité et la justice”, a insisté M. Izetbegovic.

Consensus nécessaire

Le membre serbe de la présidence bosnienne, Mladen Ivanic, avait déclaré mardi qu’une telle décision allait “menacer la paix et la stabilité de la Bosnie”.

Les responsables politiques serbes de Bosnie affirment qu’une demande de révision ne peut être faite sans un consensus préalable de la présidence. M. Izetbegovic assure le contraire et qu’un avocat nommé en 2002 par la présidence s’en chargerait.

Le président de l’entité serbe de Bosnie, Milorad Dodik, a appelé à un engagement des responsables politiques de cette communauté pour “contester la légitimité” de la demande de révision auprès de la CIJ.

M. Izetbegovic a affirmé que les avocats disposaient de “nouveaux arguments”, notamment ceux qui, selon lui, avaient été présentés dans le procès de Ratko Mladic, chef militaire des Serbes de Bosnie pendant le conflit. Ce dernier, inculpé notamment de génocide, est actuellement jugé devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).

Pas coupable

La Bosnie avait saisi en 1993 la CIJ, plus haute instance judiciaire des Nations unies, en lui demandant de constater que la Serbie avait organisé un “génocide” au cours du conflit bosnien.

Dans son verdict du 26 février 2007, la CIJ qualifiait de génocide le massacre de quelque 8000 Bosniaques musulmans de Srebrenica (est) par les forces serbes de Bosnie en juillet 1995.

Mais la cour avait jugé que la Serbie ne pouvait pas être reconnue coupable d’avoir orchestré ce massacre et que, par conséquent, elle “n’a pas commis de génocide” en Bosnie. Elle a été blâmée de ne pas avoir déployé “tous ses efforts pour prévenir les événements tragiques qui se profilaient”, selon la CIJ.

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