La cocaïne, nouveau marché de niche pour les mafias albanophones
(Keystone-ATS) Les mafias albanophones se tournent vers le trafic de cocaïne et de cannabis, guidées par une logique de rendement, explique l’expert Olivier Guéniat. Mais pas de guerre des gangs en vue avec d’autres populations de dealers. En Suisse, cela reste un marché de niche.
Traditionnellement, les mafias albanophones (albanaise et kosovare) sont actives dans le trafic d’héroïne. “Mais elles se diversifient depuis cinq ou six ans, comme le montrent les saisies de drogues un peu partout en Suisse”, détaille pour l’ats le chef de la police judiciaire neuchâteloise, revenant sur un article du Matin Dimanche.
Le phénomène n’a pas encore été très médiatisé, car les saisies de cocaïne liées à ces mafias étaient jusqu’il y a peu éclatées. Certains cas récents ne laissent plus la place au doute.
Diversification naturelle
Cette diversification vers la cocaïne et le cannabis est assez naturelle, explique Olivier Guéniat. “La qualité de l’héroïne a chuté ces vingt dernières années et témoigne du manque de disponibilité de stocks en amont de la chaîne de distribution.”
Mais malgré ce “nouveau” marché, il n’y a pour l’instant pas de vraie concurrence entre les mafias albanophones et les acteurs traditionnels du trafic de cocaïne en Suisse, hispanophones et Africains de l’Ouest. “Elles ne prennent pas la place des autres, et ont tout intérêt à être discrètes”, poursuit l’expert.
Niche
Les mafias albanophones, tout comme les hispanophones, utilisent des voies discrètes: livraisons à domicile, rendez-vous en appartements. Contrairement aux Africains de l’Ouest, présents dans la rue.
Il n’y a donc pas en Suisse de système “à l’américaine” avec des territoires de “deal” très délimités, poursuit Olivier Guéniat. “Cela reste un marché de niche”, même s’il est très lucratif. Donc pas de guerre des gangs à craindre, pour l’instant.
Multitudes
La parcellisation du marché se reflète aussi dans le profilage chimique des drogues saisies. On peut y voir le nombre de “signatures chimiques” impliquées dans le trafic, soit le nombre d’organisations ou de groupes impliqués dans le traitement de la drogue aux différentes étapes de la chaîne.
“Une multitude”, selon Olivier Guéniat. Le policier regrette toutefois ne pas pouvoir disposer de statistiques croisées entre les types de drogues saisies et les nationalités des trafiquants.
Cette “multitude” d’acteurs se retrouve aussi au sein même des mafias albanophones. “Il y a une quantité d’opportunistes, qui ont tous un rôle à jouer, entretiennent des liens, des codes communs, mais ne sont pas organisés sous forme pyramidale.” Même si tout le marché des stupéfiants se décide à Zurich.
Cette criminalité en est d’autant plus difficile à combattre, constate encore le chef de la police judiciaire neuchâteloise. Une tâche à laquelle les cantons doivent faire face seuls, la Confédération n’intervenant pas sur le terrain. L’Office fédéral de la police peut toutefois avoir un rôle de coordination dans certaines enquêtes, précise-t-il sur demande.